Pour le général-major, ignorer ce passé façonné par la résistance du peuple algérien revient à "vouloir faire table rase de sa mémoire". Les mémoires du général-major Hocine Benmaâlem (*), parus aux éditions Casbah, sont désormais en vente dans les librairies. En réalité, il s'agit du tome I consacré à La guerre de Libération nationale."Je témoigne d'un moment de notre histoire par des éclairages focalisés sur les personnes connues ou anonymes que j'ai côtoyées, sur des faits d'armes ou de simple bravoure ; sur mes pérégrinations pédestres dans les maquis d'Algérie, qui m'ont mené à palper de très près le cœur frémissant de la Révolution, à appréhender ses fragilités aussi", écrit l'auteur. S'inscrivant dans la démarche de l'écriture de notre histoire et de la recherche de "la vérité historique", le haut gradé de l'Armée nationale estime que l'avenir d'un pays "ne peut se construire sans un socle qui le nourrit de sa sève : son passé". Pour le général-major, ignorer ce passé façonné par la résistance du peuple algérien revient à "vouloir faire table rase de sa mémoire". Mais d'abord, qui est Hocine Benmaâlem ? La 1re partie de l'ouvrage, intitulée El-Kalaâ des Béni Abbès, 1939-1956, nous renseigne sur l'auteur et sur son parcours pendant la Révolution. M. Benmaâlem est né en 1939, à Kalaât Béni Abbès, en Kabylie. Une région qui a vu naître avant lui El-Mokrani et qui, en 1956, devait abriter initialement le Congrès de la Soummam. Bastion du patriotisme, la Kalaâ a été la cible du colonisateur français et compte de nombreux martyrs. Fils d'agriculteur, membre de l'association de la Médersa et abonné au journal El-Baçaïr de l'Association des Ulémas, Hocine Benmaâlem a vécu toute son enfance et une partie de son adolescence dans cette "illustre forteresse naturelle". Pourtant, il avouera que si son autonomie a été acquise dès qu'il s'est séparé de sa famille pour regagner le lycée, son "réel affranchissement" date de la période où il a rejoint le maquis. Plus explicite, le général Benmaâlem relève qu'il a pris conscience de la "dure condition du colonisé" pendant la période du lycée, à Sétif. Outre les discussions politiques au sein de l'établissement scolaire, notamment avec Mehdi Benmeni, son camarade d'El-Kalâa, il lui arrivait de participer aux débats sur l'actualité et même sur l'évolution de la guerre, dans la maison du grand-père maternel, qui deviendra un refuge de l'ALN. C'est pendant le printemps 1956, au cours des vacances scolaires à El-Kalaâ, que Benmeni et lui rencontrent Krim Belkacem et Amirouche pour la première fois. Ces derniers les encouragent à poursuivre leurs études. Mais, très vite, l'appel à la grève des étudiants-lycéens du 19 mai sera l'occasion pour les deux adolescents de s'engager dans l'ALN. "En m'engageant dans l'ALN, je m'étais préparé à tout ; (...) la vie au maquis était effectivement très dure, mais je n'ai, à aucun moment et malgré mon jeune âge, 17 ans et demi, regretté de m'être engagé dans cette voie", révèle l'auteur. Pour ce dernier, l'année 1956 constitue un grand repère pour la Révolution : grâce à Abane Ramdane, "beaucoup de personnalités et de responsables des partis politiques, ainsi que des associations du mouvement national (...) intègrent le Front de Libération nationale". De plus, cette année-là, des "étudiants, lycéens, femmes, ouvriers, cadres et paysans affluaient vers les maquis". Sans oublier que 1956 est l'année de la création de l'UGTA et celle de la tenue du Congrès de la Soummam. Regard critique sur une période déterminante Concernant Amirouche, l'auteur s'y exprime en sa qualité de secrétaire personnel de ce dernier, apportant alors son propre témoignage sur la crise de la Wilaya I (Aurès-Nememchas). Il dément toute "animosité ou mésentente" entre Amirouche et les responsables des Aurès, et déclare que le chef de la Wilaya IV "n'a jamais été wilayiste ou régionaliste". "Certains de ses détracteurs trouvent, malgré tout, le moyen de le stigmatiser ; on lui reproche, injustement, d'avoir été un ‘sanguinaire' et l'‘ennemi' des gens instruits", écrit M. Benmaâlem. Et, même s'il était en formation militaire, pendant la période de la Bleuite, il ne doute pas de Amirouche et réfute toutes ces "critiques malveillantes". Mémoires du général-major Hocine Benmaâlem est un ouvrage qui déborde de souvenirs, d'anecdotes et d'images (photos) sur la Kalaâ, le lycée Eugène-Albertini (portant aujourd'hui le nom du chahid Mohamed Kerouani), à Sétif, les personnes qui l'ont marqué ou qui ont beaucoup compté dans sa vie. Comme son père, le colonel Amirouche, ses camarades à l'académie militaire d'Alep et de Homs. Le livre revient parfois sur des batailles livrées par les djounoud de l'ALN contre l'ennemi, la crise dans la Wilaya I (Aurès) et le déroulement du Congrès de la Soummam, tout en apportant son regard d'aujourd'hui sur ses "insuffisances". Le général-major revisite également la Bataille d'Alger, la Bleuite, "les événements tragiques" de mai 1957 ayant ensanglanté les localités de Mélouza et Béni Ilmane, "le complot des colonels" produit l'année suivante. En s'attaquant sereinement à certains tabous. Il rapporte même "la curieuse rencontre" avec un sous-officier français déserteur, qui a libéré un prisonnier algérien pour s'évader ensuite avec lui à Tunis. En outre, il se remémore "les nombreux entretiens" entre Frantz Fanon et Amirouche sur le mouvement national et la guerre de Libération nationale, ainsi que les retombées de la désertion d'officiers algériens de l'armée française. Sans omettre de signaler l'impact "très négatif" de la sortie de la direction de la Révolution (CCE) du territoire national, mais aussi "la crise grave" au GPRA, la tension entre celui-ci et l'EMG, l'entrée en scène du "groupe de Tlemcen" et les conséquences de la crise de l'été 1962. L'auteur aborde également ses années de formation en Egypte, en Syrie et en Tchécoslovaquie. Dans la postface, le général Benmaâlem annonce que le tome II de ses mémoires traitera "des grands événements" ayant jalonné sa vie professionnelle, après l'Indépendance. Y compris ceux de "la période cruciale", produits du temps où il était affecté à la présidence de la République (fin décembre 88 - début janvier 92). H A (*) "Mémoires du général-major Hocine Benmaâlem. Tome I : La guerre de Libération nationale", 270 pages, Casbah éditions, juin 2014. Nom Adresse email