Alejandro Sabella peut-il refaire avec Lionel Messi le coup réussi par son mentor Carlos Bilardo avec Diego Maradona en 1986 ? Le parcours des deux hommes ne manque en tout cas pas de similitudes, porté par le génie d'un joueur hors catégorie. Depuis le début de la Coupe du monde, une seule question obsède les médias du monde entier : l'Argentine peut-elle exister sans Messi? La réponse est négative bien sûr et le sélectionneur de l'Albiceleste ne se cache même pas derrière une savante langue de bois pour nier l'évidence. "Ce joueur, c'est de l'eau dans le désert", a-t-il ainsi déclaré après la qualification pour les demi-finales samedi face à la Belgique (1-0). Une semaine auparavant, il avait avoué la "dépendance de l'Argentine vis-à-vis de Messi", osant la comparaison avec la légende Diego Maradona. Quand vous disposez d'un extra-terrestre dans votre équipe, autant tout organiser autour de lui. Sabella a parfaitement retenu la leçon et c'est peut-être cette recette, réaliste et pragmatique, qui permettra à l'Argentine d'en finir avec une longue période de disette (pas de trophée majeur depuis la Copa America-93 si l'on excepte les deux médailles d'or olympiques en 2004 et 2008). Du Bilardo tout craché. A 59 ans, "Pachorra" (qui signifie "calme, silencieux", voire "terne" en argot argentin) doit une bonne partie de sa carrière à celui qui a bâti une formation au service du "Pibe de oro" pour mener son pays vers son deuxième sacre mondial, le dernier à ce jour. Le patron des champions du monde 1986 veille toujours aux destinées de la sélection dont il est le directeur technique au sein de la Fédération argentine. Son rôle a été décisif lors de la nomination de Sabella en 2011. Les deux hommes s'étaient auparavant croisés en clubs, Bilardo dirigeant en 1982 le futur sélectionneur à l'Estudiantes de la Plata. Joueur aux qualités techniques évidentes, Sabella est mal tombé à une époque où il était difficile de rivaliser avec Maradona, son compteur en équipe nationale n'ayant pas dépassé huit matches. Austère C'est surtout son succès à la Copa Libertadores 2009 à la tête de l'Estudiantes qui le propulse sur le devant de la scène et en fait un candidat crédible pour prendre en main une sélection incapable de revenir au premier plan. Austère, Sabella l'est aussi dans le jeu et suit en cela les préceptes de Bilardo, qui avait créé en 1986 au Mexique une armée toute dévouée à Maradona. A l'époque, Valdano et Burruchaga s'étaient mués en porteurs d'eau et c'est un peu ce que demande aujourd'hui Sabella aux autres joueurs offensifs, chargés de se sacrifier pour "Leo". Il s'est toujours montré réticent vis-à-vis du concept des "Quatre Fantastiques", rechignant à aligner ensemble Messi, Aguero, Di Maria et Higuain malgré la pression écrasante de la presse argentine. Les circonstances lui ont donné raison, Aguero ayant été blessé (jambe gauche) depuis le 3e match contre le Nigeria (3-2) et Di Maria étant forfait pour la demi-finale face aux Pays-Bas, mercredi, en raison de problèmes musculaires. Sabella ne cesse de le répéter: il aime les équipes "équilibrées". Aux artistes adeptes du beau geste mais sans efficacité, il préfère parfois les besogneux, d'où le retour en grâce d'Ezequiel Lavezzi, chargé de combler en attaque ces absences de poids. Le facétieux Parisien l'a d'ailleurs remercié à sa façon en l'arrosant avec sa gourde pendant qu'il lui donnait quelques consignes avant son entrée en jeu contre les Nigérians. Une image qui a fait le tour du monde, mais qui n'a pas froissé Sabella, en passe de gagner le respect des siens et de retourner les sceptiques en sa faveur. Exactement comme Bilardo. Nom Adresse email