La mort tragique d'Hervé Gourdel a provoqué un profond traumatisme à Tikjda qui, néanmoins, tente de renouer avec sa vocation sans oublier pour autant le touriste français qui laisse un souvenir impérissable. La destination Tikjda semble toujours aussi prisée par des citoyens en quête de détente et de grand air, malgré sa médiatisation macabre des dernières semaines suite à l'enlèvement et à l'assassinat de l'otage français Hervé Gourdel. Hier après-midi, la RN33, menant vers la station climatique de Tikjda, était pour le moins assez animée et des véhicules venant des wilayas avoisinantes étaient stationnés aux alentours du site de Tikjda. Contrairement à la semaine écoulée où le check-point des militaires filtrait systématiquement tous les véhicules, les éléments de l'ANP stationnés à l'entrée du site de Tikjda ne procédaient pas à la fouille des voitures. Au Centre national des sports et loisirs de Tikjda, comparativement aux autres jours, le parking n'affichait pas complet. M. Belkacemi, chargé de communication du CNSLT, nous avouera d'emblée que l'activité hôtelière est normale pour cette saison. "Nous sommes, dans ce que nous appelons dans le jargon, dans la basse saison, il est normal qu'au lendemain de la fête de l'Aïd, l'affluence des touristes ne soit pas visible", plaisantera-t-il. Interrogé sur le kidnapping et l'assassinat de Gourdel, notre interlocuteur ne nous laissera pas le temps de terminer notre phrase. "Arrêtez de dire et d'écrire que le défunt Gourdel a été enlevé à Tikjda, vous ne faites que nuire à la réputation d'un lieu ultra-sécurisé depuis l'ouverture du centre en 2006. Gourdel a été kidnappé sur l'autre versant du Djurdjura, dans la wilaya de Tizi Ouzou à une trentaine de kilomètres de Tikjda, pourquoi vous acharnez-vous à vouloir impliquer directement Tikjda dans le lieu du kidnapping ?" M. Belkacemi, qui déplore ce triste événement, tient à souligner que la réputation de Tikjda n'est plus à faire et que les touristes continuent d'affluer vers cette station climatique. "Quelques jours après l'assassinat de Gourdel, un Français a séjourné chez nous et il est reparti satisfait aussi bien sur le plan sécuritaire que celui des prestations de services. Nous avons eu également plusieurs Franco-Algériens qui ont passé des séjours ici la semaine dernière". Aux abords du centre, un couple, originaire de Boumerdès, se promenait tranquillement en admirant le paysage et ne semblait absolument pas inquiet du volet sécuritaire. "Nous avons nos habitudes ici et savons très bien que le site est sécurisé. Nous venons, chaque fois que l'occasion nous le permet, y passer deux ou trois jours." À ce moment précis, un officier de l'ANP en treillis sort de l'hôtel et se dirige vers son véhicule. Et nos interlocuteurs de nous le désigner tout en déclarant : "Vous voyez, la sécurité est omniprésente ici." D'ailleurs, jeudi et vendredi derniers, une randonnée a été organisée par le service animation du CNSLT avec comme point de départ le chalet du Kaf, le sommet Lacombe jusqu'à Tignathine, soulignera M. Belkacemi avant de vaquer à ses obligations professionnelles. Des milliers de militaires ont quitté Tikjda vendredi soir En quittant le CNSLT, on remarque que les promeneurs sont nombreux et notamment des familles qui piqueniquent, alors que l'auberge, habituellement pleine à craquer, est vide. Le lieu semble avoir été déserté, mais cela s'explique, selon un employé, par le fait que "si l'auberge vous semble vide, c'est parce que nous sommes au lendemain de la fête de l'Aïd, les économies de tous les Algériens sont épuisées et les gens qui viennent ici préfèrent déjeuner dehors avec des repas préparés chez eux". Pour cet employé qui est en poste depuis plus de 10 jours, la sécurité n'est pas un argument à avancer pour expliquer le peu d'affluence. "Vendredi soir, des milliers de militaires sont descendus vers Bouira, les premiers camions de l'ANP ont commencé à descendre vers 16h et il était 21h lorsque le dernier camion de ce convoi est passé devant l'auberge." Pour cet homme, "les recherches ont repris ce matin, (hier, ndlr) car un hélicoptère de l'armée a survolé à basse altitude la zone escarpée du versant nord du Djurdjura". "Gourdel était un abonné de Tikjda" Notre interlocuteur nous confiera que Gourdel, qui était un de ses amis, ne méritait pas ce triste sort. "Vous savez, depuis le temps que Gourdel venait à Tikjda, nous avons sympathisé et je peux vous dire que le défunt s'était attiré la sympathie de tous. D'ailleurs, il avait un ami français qui s'appelle Nicolas et qui est devenu par la suite un ‘abonné' de Tikjda. Il y a aussi un autre Français, prénommé Pierre qui est cadre dans une institution bancaire de l'Hexagone et qui vient régulièrement ici. Toutes ces personnes et bien d'autres encore ont découvert Tikjda via les excursions de Gourdel et de son groupe. La dernière fois qu'il est venu à Tikjda, il a essayé de m'initier aux techniques de l'alpinisme en me montrant des mousquetons et des cordages, mais ce sport n'est plus de mon âge !'' À propos des accompagnateurs de Gourdel, notre interlocuteur souligne que ce sont des jeunes sans histoire, des passionnés d'alpinisme et de randonnées. "Je les connais presque tous, ils viennent prendre le petit déjeuner à l'auberge avant de s'aventurer en pleine montagne pour des excursions. Le jeune de Bechloul et celui d'El-Esnam - qui a loué son chalet à Gourdel - sont des habitués, de même que son ami de Boufarik qui est un ‘client' de Tikjda". Toutes les personnes rencontrées aussi bien au CNSLT, à l'hôtel Djurdjura ou à l'auberge sont unanimes à déplorer l'assassinat de l'otage français et expriment leur incompréhension quant aux médias voulant nuire à la réputation de ce site. La dernière rumeur en date remonte à jeudi dernier lorsqu'il a été fait état de la découverte d'Hervé Gourdel, alors qu'il s'agissait en réalité de la tête d'une dame ayant été décapitée à Haïzer par son beau-frère. En redescendant sur Bouira en empruntant la RN33, les revendeurs de boissons alcoolisées étaient tous installés et le nombre de véhicules stationnés à proximité prouvaient que le volet sécuritaire sur ce tronçon n'était pas à l'ordre du jour. La présence discrète des militaires cantonnés dans l'ex-siège de la garde communale de Tiouririne y est sûrement pour beaucoup. H. B.