Lancé depuis quelques semaines déjà et renforcé depuis le rapt et la décapitation du guide alpiniste français, Hervé Gourdel, un vaste mouvement des troupes de l'ANP est engagé vers les frontières est et sud-est du pays. L'Algérie semble engagée dans une course contre la montre pour rendre de plus en plus étanches ses frontières, et plus particulièrement celles de l'est avec la Libye et le Niger. La hantise d'"une éventuelle régénérescence du terrorisme", pour reprendre les termes de la dernière lettre de vœux à l'occasion des fêtes de l'Aïd du chef d'état-major et vice-ministre de la Défense nationale, est fortement présente. La probabilité d'une éventuelle infiltration de terroristes par nos frontières découle de deux hypothèses. La première est de voir les "jihadistes" libyens venir se réfugier chez leurs "frères algériens" dans une tentative de faire de l'Algérie une base arrière. La seconde est le renforcement des maquis de Jound el-Khalifa et d'Aqmi par de nouvelles recrues puisées dans les rangs de l'EIIL. En effet, passé le double effet d'annonce de sa création et de l'ignoble décapitation d'Hervé Gourdel, le groupe terroriste, Djound al-Khalifa, sait bien que le renforcement de ses rangs par de nouvelles recrues est sa seule chance pour repousser l'échéance de son éradication totale. Un renforcement qui ne peut venir que de l'extérieur du pays car, sans couverture idéologique, le terrorisme ne peut plus recruter les Algériens comme par le passé. Il faut dire que derrière leur affiliation à l'EI, des groupuscules algériens, mais aussi tunisiens, cherchent à bénéficier d'une certaine aura et des capacités de recrutement qu'offre la maison mère. Les groupes terroristes dans la région ont, et à chaque fois que la situation est favorable, évolué en réseaux. Une donne que l'ANP maîtrise bien grâce à la formation de ses éléments et à l'expérience acquise sur le terrain. On a encore en mémoire ces jeunes Algériens recrutés durant les années 2003-2006 sur la Toile pour aller combattre en Irak et qui se sont retrouvés dans les maquis de l'axe Batna-Khenchela-Tébessa. L'hypothèse de voir des Européens, recrutés pour faire leur "guerre sainte" en Syrie, détournés vers les quelques foyers terroristes en Algérie, ne peut pas être négligée dans une approche systémique de lutte contre le terrorisme. Le terrain confirme les tentatives d'infiltration Sur le terrain, Daech n'est pas une vue de l'esprit et les appréhensions relatives à des éventuelles tentatives de régénérescence du terrorisme y compris par l'infiltration de "jihadistes" se vérifient au quotidien. Ainsi, mardi dernier, soit le 7 octobre, 3 terroristes dont l'ex-"émir" Abdelhak sont éliminés dans la région de Biskra par les forces spéciales en opération dans la région. Une anticipation, certes, mais aussi une revanche des paras sur la nébuleuse extrémiste. En 2002, alors qu'un émissaire de Ben Laden, un certain Mohamed el-Yamani, se trouvait dans la région, une vingtaine de militaires de l'ANP sont tombés dans une lâche embuscade tendue par le GSPC. El-Yamani a été abattu une année plus tard du côté de Batna. La veille, soit le 6 octobre, les forces de l'ANP ont arrêté, à Tiririne près de la frontière avec le Niger, 20 criminels tous de nationalités étrangères, soit 12 Soudanais et 8 Tchadiens. Deux jours avant, le 4 octobre, les mêmes forces feront avorter une tentative de contrebande à Timiaouine menée par des hommes armés. Au même moment, du côté d'Illizi 10 criminels dont 5 étrangers sont arrêtés. Ici, la connexion entre terrorisme et contrebande est avérée. Les deux nébuleuses sont liées par de solides intérêts financiers et, face à la fermeture des routes de trafic, des contrebandiers se reconvertissent facilement en terroristes pour faire perdurer leur business. 48 heures avant ces prises, le 2 octobre, 5 terroristes, probablement des étrangers, sont abattus et plusieurs autres ont été blessés près de In Guezzam. Le même jour, 3 personnes armées, d'origine nigérienne, sont arrêtées. Mais, en matière d'infiltration "jihadiste" à travers les frontières, est et sud-est notamment, Tiguentourine reste le plus important enseignement. En ce sinistre mois de janvier 2013, les assaillants sont venus de l'autre côté des frontières et plusieurs étrangers y avaient participé. M. K.