Pour Mohamed-Lakhdar Badredine de l'UGTA, l'intérêt de l'Algérie, dans l'état actuel de son économie, "est de rester en dehors de l'OMC". L'accession, maintenant, de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait se traduire par des crises sociales graves, a averti, hier, Mohamed-Lakhdar Badredine, conseiller du secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), chargé des affaires économiques, lors du Forum économique du journal El Moudjahid, animé avec l'économiste Chafik Ahnine. Pour Mohamed-Lakhdar Badredine, l'intérêt de l'Algérie, dans l'état actuel de son économie, "est de rester en dehors de l'OMC". Cependant, ce responsable de l'UGTA n'est pas contre l'accession de l'Algérie à l'OMC. "Le problème n'est pas d'aller ou de ne pas aller à l'OMC, la question est comment y aller ?", a-t-il indiqué. "L'UGTA n'est pas bloquée", a-t-il affirmé. Le conseiller du SG de l'UGTA chargé des affaires économiques avance certains préalables pour une accession à cette instance internationale. Il faut construire une industrie performante et compétitive, a-t-il suggéré, relevant, au passage, l'absence de stratégie. "Nous n'avons pas de stratégie. La seule stratégie qui a été mise en place lors de la dernière tripartite est la protection de l'économie. Et il y a des membres du gouvernement qui veulent la casser", regrette le responsable de l'UGTA. Ce dernier va plus loin, indiquant que certaines "déclarations peuvent nuire à la stabilité sociale". Interrogé sur la position de l'UGTA si le président de la République décide d'une accession de l'Algérie à l'OMC, Mohamed-Lakhdar Badredine répond que "le Président ne va pas prendre une décision qui va à l'encontre des intérêts des travailleurs". Polémiste, le responsable de l'UGTA lance que "le ministre du Commerce ne maîtrise pas les marchés. Il faut maîtriser le marché avant d'aller l'OMC". Le conseiller du SG de l'UGTA semble ignorer que c'est le président de la République, lors d'un Conseil des ministres, qui ordonné au gouvernement "de poursuivre les négociations pour l'adhésion de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce en veillant à la sauvegarde des intérêts de l'économie nationale". Et c'est ce que fait et ne cesse de répéter le ministre du Commerce, en tant que membre du gouvernement. Le processus d'accession de l'Algérie à l'OMC n'est pas seulement l'affaire du ministre du Commerce, mais plus globalement celui de tout le gouvernement. Un comité gouvernemental chargé du suivi et de la supervision de l'accession de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce est présidé par le Premier ministre. Et comme l'a rappelé Ramdane Taâzibt du Parti des travailleurs, qui partage les positions de l'UGTA, 36 textes législatifs, liés directement ou indirectement à l'OMC, ont été adoptés par l'APN. Là où Mohamed-Lakhdar Badredine a raison, c'est quand il souligne la nécessité d'un débat. "On les invite à un débat. Ce n'est pas interdit. Ce qui est interdit, c'est de refuser de débattre", a-t-il lancé, arguant la crainte de l'UGTA par les échecs des pays qui ont adhéré à l'OMC. Il a évoqué, également, les pertes causées par l'accord d'association avec l'Union européenne. L'économiste, Chafik Ahnine, a replacé le débat dans un cadre plus général, celui du libre-échange. Le débat, selon lui, doit porter sur l'impact du libre-échange sur l'économie nationale. Est-ce qu'il servirait le secteur productif ou pas ? Les opinions divergent quant aux pour et aux contre le système commercial "multilatéral" de l'OMC, et le débat n'est pas tranché. Mais ce qui est certain, affirme M. Ahnine, si les pays développés ont réussi leur développement, c'est parce qu'ils ont, tous à un moment donné de leur histoire économique, adopté des mesures protectionnistes. "Le protectionnisme a dominé l'histoire économique. Ce qui détermine le niveau de développement, c'est la stratégie nationale et non le libre-échange", a-t-il souligné. C'est peut-être le professeur Chems-Eddine Chitour, qui a posé la véritable problématique de l'économie algérienne, en nous invitant à ne pas focaliser le débat sur l'OMC. "Avons-nous une ambition pour ce pays ?" s'est-il interrogé, relevant le caractère rentier de l'Algérie. "Nous n'avons rien fait depuis Boumediene", regrette M. Chitour, indiquant que l'Algérie a une fenêtre de 10 ans "pour créer des richesses".