Dans un contexte où la logique qui régit les échanges internationaux est celle des chaînes de valeur mondiales, une vraie mise à niveau s'impose. Les autorités de notre pays gagneraient à ouvrir ce débat et à l'organiser méthodiquement, d'autant que les choix offerts sont complexes, peu évidents et lourds de conséquences. L'octroi du traitement national intégral, prévu dans l'article 32 de l'accord d'association que l'Algérie a signé avec l'Union européenne, est un obstacle sérieux à la négociation algérienne d'accession à l'OMC. C'est du moins ce qu'a indiqué, hier, à l'hôtel Sofitel d'Alger, Mouloud Hédir, économiste et ancien directeur général du commerce extérieur, lors des "Matinales de Care" consacrées à "L'économie algérienne face au monde : besoin d'une relation plus harmonieuse". L'article 32 de l'accord d'association, dans son alinéa b, stipule que "l'Algérie réserve aux filiales et succursales de sociétés communautaires établies sur son territoire, conformément à sa législation, un traitement non moins favorable, en ce qui concerne leur exploitation, que celui accordé à ses propres sociétés ou succursales ou à des filiales ou succursales algériennes de sociétés de pays tiers, si celui-ci est meilleur". L'Algérie sera ainsi obligée d'élargir à l'ensemble des pays membres de l'OMC la clause de traitement national, qui met sur un pied d'égalité les fournisseurs algériens et étrangers. Pour M. Hédir, l'Algérie a raté le rendez-vous de 2010 avec l'Union européenne, mais il faut qu'elle saisisse celui prévu en 2015, pour mettre cette clause sur la table des discussions. Car, il faudra, sans doute, pour avancer dans la négociation avec l'OMC, dénouer au préalable le contentieux ouvert avec l'Union européenne. Mais au-delà de cette clause, l'ancien directeur général du commerce extérieur estime qu'il faut remettre de l'ordre dans la politique commerciale extérieure de notre pays, écartelée entre la nécessité reconnue de mieux s'intégrer dans le réseau des échanges mondiaux et une forme d'incapacité à engager les transformations les plus consensuelles de l'organisation du système économique. "Pour éviter le déclassement dans un monde qui change à grande vitesse, la réponse correcte n'est pas de produire davantage de pétrole, mais de diversifier l'économie", a indiqué l'économiste. Chiffres à l'appui, Mouloud Hédir a relevé qu'en termes de diversification des exportations, notre pays est à la traîne par rapport aux pays de la région. Alors que l'Egypte a multiplié par 13 ses exportations agroalimentaires au cours des 20 dernières années, passant de 345 millions de dollars en 1995 à 4,475 milliards de dollars en 2013, celles de l'Algérie ont évolué de 110 millions de dollars à 405 millions de dollars durant la même période. Les exportations agroalimentaires du Maroc ont progressé d'environ 1,9 milliard de dollars à 4,25 milliards de dollars. Celles de la Tunisie ont augmenté de 535 millions de dollars à 1,65 milliard de dollars. L'évolution comparée des exportations de produits manufacturés fait ressortir des chiffres encore plus dramatiques. Par ailleurs, l'Algérie est, avec la Libye, le seul pays dans le bassin méditerranéen à avoir une balance des services structurellement déficitaire. "En termes de diversification des exportations, l'Algérie reste en queue de peloton parmi les pays membres de l'Opep", a constaté l'économiste. Dans un contexte où la logique qui régit les échanges internationaux est celle des chaînes de valeur mondiales, une vraie mise à niveau s'impose. Les autorités de notre pays gagneraient d'autant plus à ouvrir ce débat et à l'organiser méthodiquement, que les choix qui sont offerts sont complexes, peu évidents et lourds de conséquences. Les partenaires naturels d'un tel débat sont, bien évidemment, les entreprises qui sont les vecteurs essentiels de tout système d'échanges extérieurs et, parmi elles, singulièrement, celles qui ont vocation à être les "championnes" de leur secteur d'activité. Au regard des besoins qui sont en constante augmentation et des ressources en déclin, Mouloud Hédir avertit "d'une crise inévitable", qu'il va falloir gérer. M. R.