L'Algérie a introduit une demande pour l'accession aux Accords des Gatt, devenus OMC,en 1987, tandis la première réunion du groupe de travail n'a été tenue qu'en 1998 l Depuis, 12 rounds de négociations ont été menés avec, à chaque fois, la promesse d'un aboutissement du processus. L'Algérie aurait-elle aujourd'hui intérêt à rejoindre les 159 membres de l'Organisation mondiale du commerce ? La question vient une nouvelle fois d'être remise au goût du jour, à la faveur de l'intervention du tonitruant secrétaire général de l'Union générale des travailleurs algériens à l'occasion de l'université d'été du Parti des travailleurs. Son réquisitoire à l'encontre d'une hypothétique adhésion de l'Algérie à l'OMC repose sur les traditionnels arguments relatifs à la protection de la production nationale et du pouvoir d'achat des ménages. Il faut dire que la lenteur des négociations pour l'adhésion à l'organisation multilatérale laisse plus d'un dubitatif. L'Algérie a introduit une demande pour l'accession aux Accords des Gatt devenus OMC en 1987, tandis que la première réunion du groupe de travail n'a été tenue qu'en 1998. Depuis, 12 rounds de négociations ont été menés avec, à chaque fois, la promesse d'un aboutissement du processus. Pourtant, malgré «les progrès importants accomplis par l'Algérie» et affichés comme un leitmotiv à l'issue de chaque round de négociation multilatéral, l'accession tarde à se concrétiser. L'Algérie n'a en fait signé que cinq accords bilatéraux concernant l'accès aux marchés avec Cuba, le Venezuela, la Suisse, le Brésil et l'Uruguay. Plusieurs questions techniques de première importance demeurent en suspens telles que les restrictions à l'importation, les restrictions à l'investissement, les subventions à l'exportation, l'application de taxes intérieures, le système d'enregistrement des indications géographiques, les politiques de prix, les droits de commercialisation et les politiques agricoles. Les négociateurs doivent encore se pencher sur les politiques industrielles et les subventions, les obstacles techniques au commerce, les mesures sanitaires et phytosanitaires, les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce et les mesures concernant les investissements liés au commerce. Du coup, l'intérêt pour l'OMC au sein de l'opinion s'effrite au fil des années, et à mesure que la facture à l'importation gonfle se pose avec acuité la question quant à la pertinence d'une plus grande ouverture du marché intérieur. De l'avis d'experts, l'intérêt d'une adhésion à l'OMC demeure, même si le retard pris dans la négociation peut être justifié de diverses manières. Pour l'économiste Mhamed Hamidouche, l'adhésion à une telle organisation ne peut être que le résultat d'un long processus et par lequel il y a lieu de négocier avec 160 Etats sur tous les aspects liés au commerce extérieur, à l'image de l'accès aux marchés, l'agriculture, les règles de l'antidumping, les entreprises publiques, les licences d'importation, la facilitation des échanges, les mesures concernant les investissements liés au commerce, mesures sanitaires et phytosanitaires, les obstacles techniques au commerce, les règles d'origine, les subventions à l'exportation, les services etc. Il s'agit de libéraliser et pour l'Etat de se désengager selon un calendrier. Pour sa part, l'ex-directeur du commerce extérieur et économiste, Mouloud Hedir, estime que certaines questions purement techniques que soulève le processus d'entrée à l'OMC sont, pour certaines, très ardues. Il précise néanmoins que «dans le cas du dossier algérien, il n'y a aucune difficulté particulière qui ne soit surmontable par une bonne et franche négociation». Et d'ajouter que s'il s'avère que les membres de l'OMC exigent de notre pays des concessions commerciales trop lourdes et qui ne sont pas raisonnablement acceptables, il est parfaitement normal que le gouvernement algérien résiste, mais il est recommandé qu'il le dise ouvertement. M. Hedir estime par ailleurs que «les retards pris sont tellement longs qu'ils ne peuvent s'expliquer que par des atermoiements d'ordre politique». S'exclure de l'OMC, une erreur ? L'ex-directeur général du commerce extérieur pense d'ailleurs que c'est une attitude regrettable, car l'Algérie ne peut pas s'exclure durablement d'une organisation internationale dont les membres traitent plus 97% des échanges commerciaux mondiaux et contribuent à 98% du PIB mondial. Et d'ajouter que plus le temps passera, plus les concessions à l'entrée seront lourdes. Pour Mhamed Hamidouche, l'Algérie gagnerait via une adhésion à l'OMC une certaine avancée sur le plan politique et sur le plan des réformes. Les appréhensions quant aux conséquences immédiates d'une accession de l'Algérie à l'OMC induisant de facto une ouverture du marché seraient-elles justifiées ? En partie, pense l'économiste, car, justifie-t-il, l'Algérie doit se pencher sérieusement sur les équilibres de la balance commerciale, qui est actuellement défavorable avec pas plus de 300 millions de dollars d'exportations hors hydrocarbures contre 60 milliards de dollars d'importations. Mhamed Hamidouche estime ainsi qu'à partir du moment où l'on pense à rehausser les exportations, il devient plus facile de faire des concessions sur l'accès au marché. De son côté, Mouloud Hedir juge que ce qu'apportent les accords signés dans le cadre de l'OMC est un ensemble de règles qui permettent de stimuler les échanges internationaux et qui garantissent un environnement commercial plus stable et plus prévisible. Pour lui, il serait «puéril de croire qu'une entrée de l'Algérie à l'OMC devrait tenir lieu de programme économique». De même qu'il pense qu'il serait faux de faire une corrélation entre l'OMC, dont l'Algérie n'est pas membre et dont les règles ne s'appliquent pas, et l'augmentation effrénée des importations, au détriment de la production nationale. «L'OMC ne peut pas être l'épouvantail, ni l'alibi à l'échec ou à l'incohérence de nos politiques économiques», insiste-t-il. Il estime que les questions relatives au déclin de l'industrie et la dépendance alimentaire de l'Algérie «tiennent plus d'un environnement économique incohérent qui favorise très clairement l'acte d'importer au détriment de l'investissement ou de la production, que du niveau de notre protection douanière». L'économiste pointe d'ailleurs le retard des réformes de l'organisation portuaire, du système bancaire et de la politique maritime ainsi que l'instabilité chronique de la législation économique. Un intérêt qui ne fait pas consensus côté syndical. Mais que les deux économistes jugent utiles mais sous condition. Si Mhamed Hamidouche évoque la nécessité pour le front du refus initié par l'UGTA de plaider pour plus de transparence et de célérité dans l'information sur les échanges et le commerce extérieur, Mouloud Hedir évoque la nécessité d'un débat vigoureux sur la politique commerciale extérieure de notre pays et qu'il est souhaitable que tous les acteurs économiques et sociaux y participent activement.