Après avoir tout entrepris pour discréditer les révoltes arabes en en imputant les origines à des malveillances extérieures, notamment occidentales et quelquefois sionistes, et en leur endossant la responsabilité des violences et des désordres qui s'en sont suivis et dont on aura ainsi lavé les dictatures déchues, voilà donc les détracteurs du "Printemps arabe" contraints à saluer bien bas ce qui est qualifié d'acte II de la révolution du Jasmin. C'est que les faits sont têtus : la Tunisie vient d'assener la preuve que le soulèvement de fin 2010 était bel et bien le début d'un processus salvateur. Il en sera de même en Egypte, en Syrie et aussi, à n'en pas douter, en Libye. Avec, cependant, des coûts humains, politiques et économiques différents, parfois exorbitants, mais toujours proportionnels aux dégâts que les régimes défaits auront légués à leurs collectivités nationales respectives. Nous citions, en exemple, la lointaine Afrique du Sud qui avait gagné le pari de mettre l'apartheid à la place qui lui sied, dans les poubelles de l'Histoire. Nous voici soudain témoins d'une autre transition démocratique réussie. Elle a lieu, cette fois, dans la toute proche Tunisie. À l'opposé du pays de Mandela, la Tunisie est le pays le plus au nord de l'Afrique, tout aussi maghrébin et méditerranéen que le nôtre. Mais il est visiblement bien mieux inspiré. Et ce n'est certainement pas à mettre sur le compte de son relief géographique ou de la préférence supposée de ses habitants pour les plaines, deux facteurs qui auraient valeur d'antidote à la violence et au désordre, comme voudrait l'expliquer une certaine approche "sociologique" des événements politiques. Alger s'est bel et bien félicitée de la prouesse tunisienne, mais continue de voir dans la demande d'un changement politique paisible et ordonné un crime de lèse-majesté, presque un blasphème. La transition démocratique ? Une commission électorale permanente et indépendante ? Elles sont viables, mais ailleurs, seulement ailleurs. Chez nous, elles restent des revendications qui attendent toujours d'être entendues pour qu'elles deviennent, enfin, un projet consensuel, puis une œuvre collective. Comme en Tunisie. L'attente risque, toutefois, d'être longue et il y a des chances que nous soyons encore, dans un proche avenir, spectateurs (admiratifs ou dépités, c'est selon) d'autres mutations historiques sous d'autres cieux. Mais l'Histoire, elle, n'attend pas. Et, partout dans le monde, les transitions démocratiques, passées ou à venir, ont ceci de commun qu'elles constituent toujours une exigence de l'Histoire.