Un mois et demi après son élargissement, l'Union européenne (UE) vit quatre jours d'élections sans précédent par leur ampleur, avec le renouvellement de son Parlement appelé à représenter pour les cinq ans à venir les 450 millions de citoyens de l'Europe à 25. Les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Irlande et la Tchéquie ont ouvert le bal, suivis aujourd'hui par l'Italie, Malte et la Lettonie. Le reste se rendra aux urnes demain. Les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) partent favoris pour garder leur domination face à la gauche à l'Assemblée de Strasbourg, qui comptera 732 députés contre 626 précédemment. La participation menace d'être l'une des plus faibles, devant l'euroscepticisme affiché dans l'ancienne Europe. Depuis les premières élections de 1979, les européennes ont toujours fait figure de scrutin de seconde zone. Cette fois, il s'agit de voir si ce sentiment est le même chez les 10 nouveaux membres. Selon des sondages, le scénario serait identique. La joie de l'élargissement s'est en effet tue chez les nouveaux adhérents. Les électeurs ayant découvert, après coup, les contraintes de l'adhésion. Notamment, les conséquences de l'ouverture de leurs marchés, avec la menace, non démentie, de démantèlement, de gisements, de production et de pertes d'emplois. En Pologne, les agriculteurs ne cachent plus leur hantise de se voir écraser par la production subventionnée de l'ancienne Europe. En dépit d'échéances cruciales, dont l'adoption du projet de constitution européenne, qui consacre des pouvoirs croissant au Parlement européen, les grands débats européens ont peiné à s'imposer dans la campagne. Dans chaque pays, comme d'habitude, les électeurs vont voter pour ou contre leur gouvernement national, a estimé le président de la commission européenne Romano prodi. en Allemagne, dotée du plus gros contingent d'eurodéputés (99) la droite espère un vote sanction contre les réformes économiques et sociales impopulaires du chancelier social-démocrate Schroeder. En France, même état d'esprit : la gauche rêve d'en découdre avec Chirac, en rééditant son raz-de-marée des régionales de mars. Blair n'est pas mieux loti au Royaume-Uni face aux mécontents de sa politique en Irak. Berlusconi, bien que servi par la libération des otages italiens enlevés en Iralk, n'est pas encore sorti de l'auberge. Le scrutin sera pour lui un test décisif, car les européennes sont couplées à d'importantes élections locales et, depuis une année, il aligne défaite sur défaite face à une opposition qui s'est requinquée. En Belgique, le premier ministre Verhofstadt, prétendant à la succession de Prodi, joue carrément son avenir, le vote des eurodéputés ayant été jumelé à des régionales, pour lesquels les sondages prédisent une chute de son parti avec une nouvelle poussée de l'extrême droite en Flandre. Le socialiste espagnol Zapatero, fort de sa promesse tenue de retirer d'Irak les troupes de son pays, est l'un des rares dirigeants européens à espérer un succès confortable : le PSOE, vainqueur des législatives de mars dernier, après les attentats de Madrid, affiche 10 points d'avance sur la droite. La désaffection de l'électorat ouvre la voie aux anti-européens, qui, certes ne mobilisent pas grand monde, mais ont toutes les chances de se placer grâce à un très fort taux d'abstention. En Grand-Bretagne, la liste du petit parti de l'indépendance britannique, partisan d'un retrait immédiat du Royaume-Uni de l'Ue, est créditée de succès. En France, les souverainistes caressent le même espoir. Alors que chez les nouveaux membres de l'Ue, les populistes et les communistes nostalgiques de l'ex-URSS, jurent faire un tabac. D. B.