Sharon ne dispose plus d'une majorité au parlement après la démission, la semaine dernière, de deux membres de son gouvernement. Mais, l'opposition ne le lâche pas. Alors qu'ils peuvent rassembler 61 voix sur les 120 que compte le parlement, ni l'extrême droite ni les travaillistes de Shimon Pérès ne souhaitent sa chute. À leurs yeux, Sharon doit terminer le sale boulot engagé dans les territoires occupés. La nouvelle mouture de son plan d'évacuation de Gaza est passée, forte du soutien de la Maison-Blanche dont la connivence et la complicité ne lui ont jamais fait défaut. Tandis que la communauté internationale n'a pas cessé de dénoncer le terrorisme d'Etat israélien à l'encontre des populations palestiniennes et le refus délibéré du Premier ministre israélien de prendre langue avec l'Autorité palestinienne, Bush a toujours protégé Sharon. L'encouragement dans ses perpétuelles fuites en avant, allant jusqu'à le laisser fouler aux pieds la propre “feuille de route” américaine parrainée par l'UE, la Russie et des Etats arabes. La seule chose que la Maison-Blanche lui a refusée est l'assassinat de Yasser Arafat. Les ministres ont claqué la porte pour protester contre l'adoption du plan prévoyant le démantèlement de 21 colonies juives dans Gaza, mais leur formation, le Parti national religieux (PNR) n'a pas quitté l'alliance avec le Likoud de Sharon. Ce n'est qu'un coup de gueule à l'intention des colons juifs établis dans les territoires occupés et dont le PNR est le porte-voix. Ce dernier a gardé un ministre dans le gouvernement. L'Union nationale, un autre parti d'extrême droite, également partisan du maintien des colonies partout où elles sont établies, est du même avis. Les formations arabes, qui militent pour un Etat palestinien dans la géographie qui lui est reconnue par la communauté internationale, sont les seules à revendiquer le départ de Sharon. Cependant, la clef du processus pouvant faire tomber Sharon est entre les mains des travaillistes (21 députés). Shimon Pérès, qui cultive son image d'homme de paix, souhaite voir Sharon terminer son travail de délimitation des frontières avec le futur Etat, quitte à y apporter plus tard quelques petites retouches. Si la situation se décante dans la région, y compris en Irak, les travaillistes pourraient faire tomber Sharon en automne, lors des votes sur le budget. Pour rebooster Sharon, Pérès envisage de rejoindre son gouvernement, avouant être prêt à lui accorder un filet de sécurité. Sharon, rattrapé par des affaires de corruption, tient grâce à tous ces calculs. Il ne dispose plus d'une étroite marge de manœuvre, à ses 40 députés du Likoud, ne s'ajoutent plus que les 15 parlementaires du Shinouï : un parti centriste laïc, partisan du plan de retrait de Gaza et de la Cisjordanie. Sur le terrain, l'aviation israélienne poursuit ses raids à Gaza et le mur séparant Israël des Palestiniens se monte en Cisjordanie, au mépris de sa condamnation par la communauté international, Sharon pense le terminer avant les présidentielles américaines. Bush a besoin du lobby juif américain pour un autre mandat. Les palestiniens, isolés, font d'autant plus les frais de toute cette cuisine que les Arabes ont d'autres chats à fouetter avec le terrorisme et le plan adopté par le G8 pour les rendre fréquentables. D. B.