Nous sommes tous des Benchicou tant que le journalisme signifie pour nous la défense des libertés, la sauvegarde de l'honneur de ce peuple et de ce pays. Nous sommes tous des Benchicou tant que nous continuons, à croire que le journalisme, est, et sera ce contre-pouvoir qui nous permet d'être aux côtés des opprimés et des laissés-pour-compte. Au fond de sa prison où il a été jeté avant-hier, Mohamed Benchicou, le directeur du journal Le Matin, se porte bien. Le journaliste est plus que déterminé à continuer son combat. Tellement déterminé qu'il veut déjà entreprendre une grève de la faim et que seuls ses avocats l'en ont dissuadé. La prison n'entame donc pas la volonté et la détermination de notre confrère. Bonne nouvelle. Voici alors la première victoire de cet homme de la presse contre ceux qui ont juré de lui faire payer ses écrits ; contre ceux qui ont juré de lui faire payer ses engagements pour la liberté d'expression. Oui, disons-le ! L'incarcération du directeur du Matin a été pendant quelques heures, seulement quelques heures, une petite victoire du clan de Bouteflika. La victoire de la fratrie, l'indigne triomphe d'une caste qui croit pouvoir disposer de la justice et de la police pour régler des comptes personnels avec un homme qui a osé révéler leurs petites magouilles. C'est donc l'indigne victoire de l'arbitraire contre le juste. Ils ont jeté en prison le journaliste Mohamed Benchicou pour le faire taire, pour l'empêcher de s'exprimer. Mais la victoire d'un jour dans un tribunal de banlieue, la victoire d'un clan contre un journaliste, n'est jamais une victoire acquise contre la liberté d'expression pour toujours. Benchicou aujourd'hui contraint de se taire, Benchicou obligé aujourd'hui de croupir en prison comme son collègue Hafnaoui Ghoul, ne signifie pas que son journal, ou que la presse indépendante va se coucher. Son emprisonnement ne signifie pas l'abdication de la presse face aux puissants du pays. Et bien oui ! Nous sommes tous des Benchicou. Nous sommes tous des Benchicou tant que le journalisme signifie pour nous la défense des libertés, la sauvegarde de l'honneur de ce peuple et de ce pays. Nous sommes tous des Benchicou tant que nous continuons à croire que le journalisme, au-delà d'être ce métier qui consiste à informer les citoyens, est, et sera ce contre-pouvoir qui nous permet d'être aux côtés des opprimés et des laissés-pour-compte. C'est ce contre-pouvoir qui autorise encore aujourd'hui aux jeunes torturés de T'kout de laisser leurs râles se faire entendre au-delà des murs des brigades où se calfeutrent leurs tortionnaires ; c'est ce contre-pouvoir qui permet à l'opposition de se faire entendre alors que tous les canaux d'expression leur sont fermés ; c'est ce contre-pouvoir qui permet aujourd'hui aux chefs d'entreprise, ceux qui veulent vraiment œuvrer pour le bien de ce pays et pour ses enfants, d'offrir d'autres alternatives pour le pays, autres que celles que préconisent les prédateurs. Oui, c'est, sans doute, de ce journalisme que se réclame Mohamed Benchicou. C'est de la pratique de ce journalisme qu'il est aujourd'hui coupable. Alors, disons-le sans ambages, nous sommes tous des Benchicou. F. A.