Contre toute attente, la cérémonie de remise du pouvoir aux Irakiens a été avancée de quarante-huit heures, dans un pays à feu et à sang. Pourquoi cet empressement ? À la surprise générale, le gouverneur américain pour l'Irak, Paul Bremer, a procédé hier à un échange de documents avec le Premier ministre irakien, symbolisant le transfert de la souveraineté aux Irakiens. Quelques heures plus tard, l'administrateur US quittait Bagdad en direction des Etats-Unis, signant ainsi la fin de sa mission en Irak. Il est évident que la cérémonie a été avancée dans la perspective de prendre de court la guérilla qui aurait certainement programmé, pour ce jour-là, des attentats spectaculaires dans les alentours de la zone verte de Bagdad, où se trouve le quartier général de la coalition et les bureaux des principaux responsables irakiens et probablement dans d'autres villes pour marquer l'événement. C'est la seule explication plausible à l'empressement de l'administrateur civil américain, Paul Bremer, à remettre symboliquement “les clés de la maison” aux Irakiens et à quitter le pays précipitamment. Ainsi, après quinze mois d'occupation directe, l'Irak est censé être souverain avec cependant la présence sur ses terres de plus de 135 000 soldats étrangers. C'est dire l'absence de crédibilité de cette opération bâclée à la va-vite alors qu'aucun accord n'a été trouvé entre les deux parties sur la question du statut des forces de la coalition, toujours stationnées, et nul ne sait pour combien de temps encore en Irak. “Il n'y a pas de document officiel sur le statut des forces”, a confirmé le général Mark Kimmit, chef adjoint des opérations militaires de la coalition. “Nous opérions auparavant selon la résolution 1 511 du 16 octobre 2003, du Conseil de sécurité de l'ONU et désormais nous opérons sous la résolution 1 546 du 8 juin 2004”, a-t-il ajouté. Cette situation est l'expression de l'imbroglio que va vivre un pays souverain, qui n'a aucun droit de regard sur les forces étrangères stationnées sur son sol dont la mission essentielle est d'assurer la sécurité du peuple irakien. Mais qui peut parler de sécurité dans un pays à feu et à sang ? De quelle souveraineté s'agit-il dans un Irak, où le nombre de victimes depuis l'occupation du pays est impossible à chiffrer tant personne n'est à l'abri des attaques et des attentats aux voitures piégées. C'est le chaos total. À la lumière de ce que vit le peuple irakien quotidiennement, l'avenir de l'Irak est des plus incertains. Les principales missions du gouvernement intérimaire de Iyad Allaoui, à savoir le rétablissement de la sécurité et la tenue d'élections générales en janvier 2005, sont qualifiées de véritables gageures tant la situation sur le terrain est incontrôlable. Le nouveau pouvoir irakien devra réaliser des miracles pour retourner la situation à son avantage, dans un pays où la mort guette les personnes à chaque coin de rue. Les observateurs sont sceptiques quant à une stabilisation de l'Irak, dans un délai aussi court, en l'occurrence six mois. Reste à voir aussi si les Etats-Unis, qui sont à l'origine du drame irakien, assumeront leur responsabilité jusqu'au bout en apportant toute l'assistance nécessaire pendant tout le temps voulu au pouvoir local. K. A.