Le 12 juin, au soir de la défaite surprise du Portugal contre la Grèce (1-2) lors du match d'ouverture, personne dans le monde du football n'aurait pu imaginer que ces deux équipes se retrouveraient en finale de l'Euro-2004, aujourd'hui au stade Da Luz à Lisbonne. Paradoxalement, cette défaite a pourtant servi de détonateur pour le Portugal qui a fini premier de son groupe avec l'arrivée aux manettes de Deco, le brésilien naturalisé, et Cristiano Ronaldo, le surdoué de Manchester United. Dans le même temps, les Grecs pouvaient dire un grand merci à Zisis Vryzas, le buteur providentiel de la 43e minute contre la Russie (1-2) lors de la dernière journée de la première phase, car une défaite par deux buts d'écart aurait qualifié l'Espagne à leur détriment. Portés par tout un peuple, dirigés d'une main ferme, pourtant amicale, par un Luiz Felipe Scolari, n'hésitant pas à sortir l'intouchable Figo au plus fort de la bataille d'Angleterre en quarts, les Portugais ont finalement trouvé leur style au fil des matches, gagnant en confiance et en efficacité. Contre l'Angleterre (2-2, 6 t.a.b à 5) et face aux Pays-Bas (2-1), le pays hôte n'a jamais fermé le jeu, apportant souvent une bouffée d'oxygène dans un Euro un peu placé sous le signe de l'attentisme et du contre. Cette présence du Portugal en finale illustre également la bonne santé du football portugais dont le représentant au niveau des clubs, le FC Porto, a tout gagné en Europe (C1 et C3) au cours des deux dernières saisons. Les Grecs, quant à eux, ont été tout aussi efficaces durant cet Euro, face à des adversaires tout aussi prestigieux, mais dans un registre totalement opposé. La France, championne d'Europe en titre, puis la République tchèque, qui faisait figure d'épouvantail, se sont en effet cassé les dents de la même façon (1-0) sur une formation bâtie pour gagner et non pas pour assurer le spectacle. Pourtant, personne n'attendait le sélectionneur de la Grèce, l'Allemand Otto Rehhagel, à pareille fête et surtout pas Franz Beckenbauer qui avait pris sa place au Bayern Munich à la fin de la saison 1995-1996, juste avant la finale de la Coupe de l'UEFA contre Bordeaux. En trois saisons en Grèce, Rehhagel faisant avec les moyens du bord, a bâti une équipe de contres, une formation qui cherche avant tout à paralyser les points forts de son adversaire pour l'achever d'un contre mortel. Pour des observateurs neutres et surtout pour les chaînes de télévision qui ont payé le prix fort pour la retransmettre (un milliard de téléspectateurs depuis le début de l'Euro), cette finale peut paraître décevante sur le papier. Cependant, elle est le fidèle reflet d'un tournoi où les grands d'Europe, usés physiquement et psychologiquement par une saison trop longue, n'ont pas évolué à leur vraie valeur. Ce n'est sûrement pas un hasard si l'on retrouve en finale deux équipes dont les joueurs évoluent en général dans des championnats aux calendriers moins contraignants que les “cinq grands” (Allemagne, Angleterre, Espagne, France et Italie). Les statisticiens, quant à eux, se frottent les mains. Cet Euro-2004 sera, en effet, celui des premières. Le vainqueur, quel qu'il soit, deviendra le 9e pays à ceindre la couronne européenne en 12 éditions. Et, pour la première fois aussi, une nation sera sacrée championne d'Europe avec à sa tête un entraîneur étranger. Comme c'est l'habitude depuis le début de cet Euro, cette finale va sans doute se jouer sur un coup de dés, un coup de pied arrêté ou un exploit technique individuel. Une nouvelle fois, la Grèce partira dans le rôle de l'outsider qui lui sied parfaitement. Seul problème pour Rehhagel : Georgios Karagounis, l'homme orchestre, sera absent car suspendu. Mais il en faut plus pour entamer la confiance des Grecs, déjà sur l'Olympe. Trop d'événements se sont produits depuis le match d'ouverture pour que l'on puisse parler de revanche. Et puis, comme le souligne le “buteur en argent” grec Traianos Dellas, “une finale, c'est toujours différent”. Il faut espérer pour le spectacle que Dieu l'entende.