Ils estiment qu'il est grand temps pour qu'ils soient consultés par les décideurs afin de mieux réaliser les projets. “Chimérique”, “utopique”. Les observateurs, très au fait du secteur de l'habitat en Algérie, usent de mots à la fois francs et durs pour qualifier le projet de réalisation de 1 million de logements, prévu par le président de la République d'ici à 2009. Regroupés en collège d'architectes (CNEA), ces experts restent pessimistes quant à la concrétisation d'un tel objectif. Ce défi “national” qu'a lancé le premier magistrat du pays, engageant par là même le gouvernement, est, aux yeux des professionnels, “insensé”. À l'unanimité, les membres du CNEA s'interrogent sur les possibilités qui s'offrent aux pouvoirs publics pour atteindre cet objectif. “L'objectif est certes, fixé, mais malheureusement, il n'y a pas eu de sous-bassement humain, matériel et financier adéquat”, constatera M. Chelghoum Abdelkrim, professeur en numérique et génie parasismique. Les pouvoirs publics sont-ils à même de construire à une cadence de 200 000 logements/an, soit 17 100 logements/mois ? La réponse à cette question ne peut être que négative d'autant plus que l'Etat est resté près de 8 mois pour installer 15 000 chalets dans la région sinistrée… Pour le professeur, il est assez délicat de construire au Nord du pays, compte tenu de la forte activité sismique. Ces zones exigent des études très poussées en matière de géotechnique, de dynamique et d'effets de site avant de prendre toute décision d'implantation d'un ouvrage ou d'un équipement quelconque. Or, relève encore le professeur, ces études entamées par l'administration dans certains endroits insignifiants sont loin de la fiabilité car les capacités scientifiques des institutions étatiques en charge de ces projets sont limitées. La maîtrise de l'ouvrage qui souffre d'un monopole de l'Etat par le biais des OPGI doit être, estime notre interlocuteur, revue et ouverte aux experts et consultants privés. Mieux, il faut, selon lui, libéraliser le contrôle technique des constructions en autorisant les cabinets de renommée établie à assumer cette mission. Les conditions humaines, matérielles, le contrôle, l'étude, le conseil… qui sont toujours les mêmes ne peuvent que rendre impossible la finalisation d'un tel projet. Pis, il a été démontré scientifiquement que le RPA (Règlement parasismique algérien) actuel n'est pas fiable car élaboré, estime M. Chelghoum Abdelkrim, sur la base d'hypothèses empiriques sans validation scientifique. D'où la nécessité de la mise en place d'une commission composée d'experts pour la révision dans le fond et dans la forme de toute l'architecture de cette réglementation. Ce qui donnera lieu à des règles pratiques complètes et plus fiables permettant ainsi une conception réaliste et sécuritaire des ouvrages à construire dans les zones à forte activité sismique. La construction de un million de logements passe impérativement, avoue cet expert, par la mise en place de laboratoires de géotechnique dont la mission principale, à l'instar des pays européens, est l'interprétation des caractéristiques des sols, des assises et la définition de la conception des infrastructures adéquates. Autre problème et non des moindres, auquel feront face les initiateurs de ce projet, a trait à la problématique des matériaux. La production nationale n'est pas suffisante. Ses capacités actuelles ne peuvent satisfaire les besoins, estiment les experts. Les architectes et experts posent, en définitive, un problème de fond : organiser les états généraux du secteur en invitant les différents intervenants tous créneaux confondus. B. K.