“Un puissant souffle aux relations bilatérales”, titre El Moudjahid. “Donner corps au partenariat d'exception”, surenchérit Horizons. Le battage médiatique officiel autour de la venue de ministres français frise la réclame. Au risque de jouer les Cassandre, il faut bien risquer le constat : cinq ans de surplace théâtral ont eu pour seul résultat d'accélérer le chassé-croisé Paris-Alger. En s'emballant, l'échange de visites et d'entrevues ne fait que dévoiler la vacuité de cette débauche de bons procédés. Il est bon signe que les responsables de deux pays que tout pousse à la coopération se rencontrent, mais, sauf à se rassasier de l'ampleur des frais de cérémonies, il n'y a pas, dans les bilans de ce quinquennal empressement, de quoi pavoiser. La crise sanglante, dont l'Algérie ne s'est pas encore extraite, a sanctionné le pays dans ses relations. Pour des raisons objectives et pour des motifs moins recevables, il a subi une quarantaine qui a aggravé le marasme national. L'attitude française, particulièrement inamicale sous un pouvoir socialiste qui a coïncidé avec les années de resserrement terroriste, sera, peut-être subjectivement, retenue comme une conduite de non-assistance. Les pressions pour pousser le régime algérien à la tolérance “démocratique” du mouvement islamiste et la vigilance soutenue pour le respect des droits de l'Homme dans la guerre au terrorisme ont laissé le souvenir d'une attention exclusivement dédiée au secours de la mouvance islamiste, y compris de ses colonnes armées. Il sera aussi gardé le souvenir d'une gauche politique, intellectuelle et médiatique unanimement acquise à la cause d'un islamisme violent en Algérie, mais opprimé vu de Paris. Elle avait ignoré qu'il pouvait exister une alternative au face-à-face entre un régime totalitaire et une ambition fascisante. Avec un pouvoir de droite, même délivré de la contraignante cohabitation, les relations algéro-françaises se sont enlisées dans une surenchère de stériles amabilités et de vains projets, du traité d'amitié, vite troqué par une moins engageante mais plus réaliste Déclaration d'Alger, au mystérieux partenariat d'exception qui a l'avantage de ne correspondre à aucun modèle d'association connu. On peut donc tout y mettre ou ne rien y mettre. À bien y regarder, le plus substantiel de la coopération entre les deux rives résulte de micro-initiatives. En matière économique, c'est la présence de multiples PME qui compense les hésitations du grand patronat ; en matière culturelle, ce sont les opérations d'instances institutionnelles qui, dans le secteur de l'art, des sciences et de l'éducation compensent le vide d'échanges. Si les opérateurs, institutionnels ou privés, devaient attendre que leur parvienne le rayonnement des allocutions de banquets, on serait encore au degré zéro du partenariat d'exception. Il suffit de prêter attention aux commentaires des médias publics pour se convaincre de l'usage politicien de ce zèle diplomatique improductif. Bouteflika y poursuit sa campagne permanente et Chirac y assouvit peut-être quelque goût personnel pour les accueils débordants. Mais cela explique-t-il que les deux parties s'accommodent si durablement à cette mécanique tournant à vide où chaque visite, aussitôt expédiée, cherche déjà à se faire oublier en annonçant la suivante ? M. H.