On devrait coter les relations algéro-françaises à l'aune de la fréquence des visites. Puisque les responsables des deux rives persévèrent à voir de “la refondation” et du “nouvel élan” dans le chassé-croisé qui s'emballe, admettons donc que la notion de “partenariat d'exception” recouvre cette fièvre des voyages politiques transméditerranéens. La France se serait donc adaptée à la méthode : redoubler d'agitation pour couvrir l'inanité des professions de foi. Il semble qu'un désaccord n'a pas pu être évité sur la question du Sahara Occidental. Tout se passe comme si, dans cette affaire, on avait mis la charrue avant les bœufs, la visite avant l'accord. La dernière visite de Sarkozy avait, elle aussi, laissé le même goût d'inachevé. Un contrat de quatre-vingts millions d'euros, ne justifie point le triomphalisme verbal des deux parties. En attendant la suite de l'intense échange estival, et si les deux gouvernements ne décident pas de nous surprendre enfin, il faut bien enregistrer que la relation s'en tient encore à ce qu'elle était depuis cinq ans, un échange de bons procédés, perturbé, au demeurant, cette fois-ci, par la divergence sur la démarche de résolution de l'impasse sahraouie. Le ministre français des Affaires étrangères a fait pourtant la concession. Après Chirac, Barnier a exhibé un certificat de démocratie au régime. Au mauvais moment, au moment où l'opinion publique s'efforce d'obtenir la libération des journalistes emprisonnés. Ce n'est peut-être pas le rôle d'un chef de la diplomatie de protester contre la répression de la liberté d'expression auprès du partenaire. Mais que le ministre atteste qu'il a “compris ici que la presse est libre et diversifiée”, sans relever la régression de cette liberté de presse marquée par la multiplication des poursuites judiciaires et l'emprisonnement des journalistes, dénote une certaine connivence sur une importante affaire. En affirmant avoir “lu des articles et des caricatures qui le prouvent”, Barnier ignorait-il la pression judiciaire qui tourmente nombre de leurs auteurs ? En s'en tenant à la seule liberté de ton de la presse écrite, somme toute marginale dans la communication moderne, il donne l'impression de faire œuvre de témoignage à charge contre la presse indépendante. Heureusement que les relations algéro-françaises ne dépendent pas que des gouvernements et que de multiples micro-passerelles sont jetées à travers la Méditerranée par d'anonymes acteurs publics et privés. Car, au fil des gesticulations, il se précise que la refondation des rapports ne pourra pas se faire par le haut. M. H.