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Perpétuité pour les principaux accusés
Procès du casse de la BDL
Publié dans Liberté le 17 - 07 - 2004

C'est à minuit trente minutes, jeudi, que le verdict est tombé. La décision est jugée clémente car seuls les deux principaux mis en cause ont été condamnés à la prison à vie. La même peine mais par contumace a été prononcée contre deux accusés en fuite, le frère du gardien de prison et le neveu de son complice et gendre. Par ailleurs, le fils du gardien de la BDL a écopé de 20 ans par contumace. Enfin, la sœur du principal accusé s'est vue infliger une peine de 3 ans de prison ferme. Recit d'un procès fleuve.
Très attendu, le procès n'a pas livré tous ses secrets. Neuf accusés, ayant tous des liens de parenté ou d'amitié, sont au box. Le principal accusé, à savoir T. Mohamed, la soixante à peine entamée, reconnaît être le cerveau du coup, mais il nie avoir tué la victime. S'il tente de sauver sa femme, sa sœur, ses deux filles, il charge, en revanche, son gendre (le mari de sa fille aînée) qu'il désigne comme étant l'auteur du coup de pioche fatal. Sûr de lui, le verbe facile, T. Mohamed estime avoir pensé à la réalisation du “casse” après qu'il eut constaté que la vigilance a baissé au niveau de l'agence BDL sise à la rue Ali-Boumendjel. “J'ai remarqué qu'il y a beaucoup d'argent dans l'agence où je travaille. J'ai pensé pouvoir réaliser le coup, d'autant qu'elle était fermée pour travaux”, dit le principal accusé. Il reconnaît avoir préparé son coup plusieurs semaines à l'avance. “J'ai parlé du projet à mon frère Hamid et à mon gendre N. Kamel. Nous avons mis en commun un plan infaillible, d'autant qu'un des agents de sécurité était disposé à nous aider”, explique-t-il. Il rappelle que le trio ainsi formé a fait plusieurs déplacements de reconnaissance des lieux, avant de passer à l'acte. Quelques jours auparavant, N. Kamel informe ses deux complices de son intention de mettre dans le coup son propre neveu (le fils de sa sœur). Ce choix pas fortuit est approuvé car ce 4e élément possède une voiture. Le jour J, c'est encore T. Mohamed, agent de sécurité dans ladite agence (il était en congé de récupération), qui coordonne les opérations. T. Nabil récupère les 3 autres membres du gang. Vers les coups de 17h, ils se réunissent dans un café du square Port Saïd. T. Mohamed se rend alors à l'agence bancaire et en sort quelques instants après avec le gardien des lieux. Comme c'est un jeudi, il y a peu de mouvements aux alentours de la banque en ce 21 avril 2000. Les deux collègues se rendent dans un café avant de revenir à l'agence. T. Mohamed fait signe à son frère Hamid et à son gendre qui les rejoignent. “Nous devions ligoter le gardien et lui donner des coups pour brouiller les pistes des enquêteurs. Alors que nous étions au sous-sol, T. Kamel s'empare d'une pioche qui se trouvait sur les lieux et assène un coup violent à la nuque du gardien. Ce dernier meurt aussitôt”, affirme le cerveau du casse. Ce dernier déclare que le meurtre n'était pas prévu dans le programme mais que devant le fait accompli, il a essuyé les traces de sang avec le tricot de corps de la victime. Il rentre ensuite chez lui pour dîner et se coucher, se confectionnant ainsi le meilleur des alibis. Pendant ce temps, ses deux complices percent un trou et parviennent jusqu'à la salle des coffres et remplissent les 9 sacs qu'ils ont ramenés avec eux. Le lendemain, à savoir le vendredi 22 avril 2000, Nabil récupère T. Mohamed devant chez lui à Belcourt. Il était 7 h lorsque la voiture arrive à hauteur de la banque. Nabil reste dans le véhicule, T. Mohamed, lui, entre dans l'agence d'où il ressort quelques instants après chargé de deux lourds sacs. Les deux autres complices qui ont passé la nuit sur les lieux arrivent eux aussi avec d'autres sacs. Il a fallu plusieurs allers-retours pour charger la totalité des cabas remplis de billets. La voiture démarre alors en trombe en direction de Kouba, pour cacher l'argent dans deux fûts entreposés dans le jardin de la sœur du cerveau du casse. Les fûts seront ensuite mis en lieu sûr et à l'abri des regards dans un jardin mitoyen appartenant à un émigré qui ne vient que rarement en Algérie et qui ignore bien entendu tout de l'affaire.
Retour du fils prodigue
Lorsque le meurtre et le vol sont découverts le samedi 23 avril, T. Mohamed est arrêté par la police. Il sera détenu conformément à la loi, durant 12 jours, mais aucun enquêteur n'arrivera à déceler la moindre faille dans son stratagème. Il tiendra bon et sa longue expérience dans le corps de la gendarmerie l'a aidé, car il répétera à plusieurs reprises les mêmes réponses qu'il a mises au point. T. Mohamed est enfin libéré et il ne change rien à ses habitudes. C'est à ce moment qu'apparaît comme par enchantement, Tahar, son fils d'un premier mariage qu'il présente comme milliardaire qui possède des biens en France et en Espagne. Ce fils prodigue se montrera généreux, car il couvre ses demi-sœurs et ses tantes de cadeaux. Voulant s'installer en Algérie, il charge N. Kamel de trouver des personnes désireuses d'échanger des euros contre des dinars. Une fois de retour en France, il envoie deux Peugeot 607, deux grosses motos, sans compter des bijoux en or et des diamants qui seront entreposés dans une mallette chez son père.
La vie suit cours habituel, jusqu'au jour où un inspecteur de la brigade économique s'étonne de voir son ami N. Kamel au volant d'une 607. Le policier ne croit pas à la version du conducteur qui affirme que le véhicule lui a été offert par son oncle employé dans une banque. L'inspecteur, après quelques investigations, découvre que le beau-père de son ami est agent de sécurité à l'agence BDL volée depuis plus d'une année. N. Kamel commence à douter alors, et c'est ainsi qu'il propose à sa femme de partir en voyage à Oran. Il voulait, en réalité, vendre un appartement qu'il a récemment acquis. Sa femme saute sur l'occasion d'autant qu'elle voulait aller voir un “chouaf”, à Aïn Témouchent dont lui avait parlée une de ses amies qu'elle a connue depuis qu'elle habite la villa de Chéraga. Kamel invite sa belle-sœur, qui était chez lui, de les accompagner. Ils vont directement chez le “chouaf”, et reviennent passer la nuit à Oran.
Lorsqu'il est arrêté par un barrage, il se sauve en laissant les papiers chez la police qui le signale à toutes les unités. Une altercation éclate entre Kamel et son épouse qui est hors d'elle car la voiture est enregistrée en son nom. Les deux sœurs rentrent à Alger et l'épouse se rend au commissariat pour déclarer qu'elle a quitté le domicile conjugal. T. Mohamed, pressé de questions, finit par lâcher le morceau. La police ne récupère que 10 millions de dinars et réussit à saisir deux villas, les deux 607, deux motos et des bijoux pour une valeur de 3 milliards de centimes. 7 autres personnes seront arrêtées et 4 suspects (Kamel, Nabil, Hamid, et Tahar) réussirent à s'enfuir. Lors de son interrogatoire, Mohamed avoue avoir pris 7 milliards de centimes représentant sa part et celle de son complice mort, dont il n'a pas trouvé la famille pour lui remettre sa part du magot. Lors de son audition, N. Kamel reconnaît le vol, mais nie toute implication dans le crime commis, selon lui, par le frère de son beau-père. “Lorsque nous étions à l'intérieur de la banque, je suis directement monté au premier étage. Ayant trouvé un téléviseur, je l'ai allumé pour suivre le match opposant ce jour-là l'Algérie au Nigeria. Dix minutes plus tard, T. Mohamed est monté pour me dire que son frère venait de tuer le gardien. Il me demande même d'aller voir si le corps a refroidi ! Une fois au sous-sol, j'avais aperçu de loin le corps du malheureux suspendu au plafond, mais je n'ai pu m'approcher car à ce moment-là, j'étais glacé de peur.
Dès mon arrivée, je me suis mis à creuser un trou avec l'aide de Hamid. Après une vingtaine de minutes, nous sommes parvenus à réaliser l'ouverture par laquelle nous sommes entrés dans la salle des coffres. Nous avons donné 20 millions de centimes à Mohamed qui est aussitôt parti. Hamid et moi avons ensuite passé la nuit à compter les billets que nous mettions dans les 9 sacs. Nous avons compté 13,8 milliards de centimes. Le lendemain, mon beau-père est revenu et nous avons dû faire plusieurs voyages entre la banque et la voiture conduite par mon neveu pour pouvoir transporter tous les sacs”, dit-il encore. Il avoue, par ailleurs, avoir préparé des bas de femme pour les mettre sur leurs visages si le gardien refusait de marcher dans le coup. Il avait, par ailleurs, omis de prévoir une bombe lacrymogène. Il regrette qu'il y ait eu le crime qui a faussé tous les calculs. “Nous avions prévu d'emporter tout l'argent qui se trouvait dans la banque et il y avait ce jour-là pour plus de 120 milliards de centimes”, tient-il à préciser. La sœur de Mohamed reconnaît que son frère était venu quelques jours avant le 22 avril pour entreposer deux fûts dans la cours de son jardin. “J'étais ravie au début car je pensais pouvoir les utiliser pour y entreposer de l'eau. Mais Mohamed m'avait interdit de les toucher”, dit-elle.
Des fûts miraculeux
Elle se rappelle aussi avoir découvert que les deux fûts, déplacés ensuite dans le jardin du voisin, contenaient de l'argent. Elle avait vu quelques jours auparavant ses deux frères qui y mettaient des sacs. “J'étais loin de réaliser que mon frère pouvait un jour commettre un coup illégal. Je croyais en leur version, à savoir qu'il s'agissait de l'argent de Larbi qui existe bel et bien puisque je l'ai reçu chez moi”, précise-t-elle. Elle affirmera que même lorsque ses deux frères ont confectionné un coffre-fort dans le mur d'une de ses chambres elle croyait toujours en leur bonne foi. Elle admet que son frère lui avait donné 20 000 dinars, mais c'était pour l'aider car elle devait marier sa fille. La suite, elle l'ignore car elle est partie en camping durant 3 mois.
L'épouse de Mohamed nie toute implication dans cette affaire. Elle se présente comme une épouse docile qui doit obéir à son mari. “Il a ramené une mallette à bijoux et il l'a entreposée dans la bibliothèque. Elle était fermée. Il m'a dit qu'elle appartient à son fils Larbi que je n'ai jamais vu”, témoigne-t-elle. Elle réclame même la restitution de ses bijoux qu'elle a achetés de ses propres biens. “J'ai travaillé depuis 1964 et c'est dans une structure de santé de la gendarmerie que j'ai connu mon mari qui m'avait caché qu'il était marié avant moi. Je suis technicienne supérieure de la santé. J'ai tous les reçus prouvant que j'ai acheté mes bijoux depuis belle lurette”, affirme-t-elle.
Les autres accusés (deux filles de Mohamed, son autre gendre et ses deux amis), rejettent toutes les accusations portées contre eux. Ils affirment qu'ils étaient à mille lieues de croire que Mohamed pouvait faire un tel coup avec son propre frère et son gendre.
Le procureur général invite le tribunal à ne pas croire en la version des accusés qui forment tous un groupe et chacun a rempli la tâche qui lui était dévolue. Il affirme que la victime était morte par strangulation et non suite au coup de pioche qui était destiné à lui faire perdre connaissance. “Il a fallu deux personnes pour soulever la victime, et leur complice lui a passée la corde autour du cou. Il n'y a pas d'autre logique plus plausible”, plaide-t-il. Il n'oublie pas d'insister sur le fait que le coup a été préparé avec minutie.
Il requiert la peine capitale contre Mohamed et Kamel. Il demande respectivement 15 ans, 10 ans et 5 ans de réclusion contre la sœur, principale accusée, et ses deux filles. Il laissera le sort des autres mis en cause à l'appréciation du tribunal. Lors de l'audience pour le procès des personnes en fuite tenu sans les jurés, il réclame la peine capitale contre Hamid et Nabil. Il demande aussi 20 ans de réclusion à l'encontre de Larbi.
Les nombreux avocats, qui se sont succédé pour plaider, ont soit voulu faire planer le doute en ce qui concerne les deux principaux accusés, ou réclamé l'acquittement lorsqu'il s'agit des mandants des autres mis en cause.
S. I.
Des milliards dans un chantier
Le juge n'en revient pas
M. Benzaoucha qui a mené les débats de main de maître s'est montré étonné de constater que la BDL avait continué à entasser des centaines de milliards alors que l'agence était en travaux. Les banquiers invités à donner leur avis sur ce fait ont rappelé que si l'agence était fermée, la caisse principale où était entreposé l'argent des autres agences continuait à fonctionner normalement. Il s'en est trouvé même un banquier qui a fait une révélation de taille : “J'ai informé ma hiérarchie mais mon fax n'a pas été pris à sa juste valeur.”
S. I.
Affaire Serkadji
Reportée au 21 juillet prochain
Le procès de l'affaire de la mutinerie de Serkadji, qui devait se tenir, jeudi dernier, devant le tribunal criminel d'Alger, a été reporté de nouveau au 21 juillet prochain. Le président du tribunal, retenu pour mener l'audience, est malade et il doit subir prochainement une intervention chirurgicale. Pour rappel, seul Hamid Mebarki, le gardien de prison et principal accusé, sera jugé à cette occasion après son pourvoi en cassation. Condamné en 1998 à la peine capitale, il a vu sa peine ramenée à la perpétuité après un précédent pourvoi. Pour rappel, lors des précédents procès, il avait été reconnu avoir introduit des armes et aidé les condamnés à mort mutins à se procurer la clef ouvrant leur cellule. Il avait toujours déclaré qu'il avait agi sous la menace de son voisin condamné à mort dans une affaire de terrorisme.
S. I.


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