M. Badci vient d'énumérer les modalités de remboursement des ex-clients de la banque. Le liquidateur vient de lever un pan du voile sur l'affaire Khalifa. Intervenant dans une émission diffusée par Canal Algérie, lundi dernier, il a révélé que le remboursement cumulé de plus de 10 000 entreprises lésées se chiffre à 168 milliards de dinars, soit l'équivalent de plus de 2 milliards de dollars. Au stade actuel de la liquidation, il est impossible de satisfaire ces créanciers. L'opération de liquidation de la banque El Khalifa entamée, il y a treize mois, sera achevée au bout de trois années. Cela est toutefois, tributaire de la performance du liquidateur et de ses services. Si l'équipe chargée de cette mission est moyennement active, le délai peut atteindre les 5 ans voire 8 ans dans le cas où des lenteurs sont enregistrées. “J'ai néanmoins beaucoup d'espoir, je suis profondément convaincu qu'elle ne dépasserait pas les trois ans”, a déclaré, lundi dernier, M. Moncef Badci, liquidateur de la banque au cours de l'émission Enjeux de la chaîne Canal Algérie. M. Badci demeure peu optimiste cependant quant au remboursement des créanciers (allusion aux entreprises). “Nous cherchons à maximaliser les ressources mais nous sommes certains que nous ne parviendrons jamais à dépasser le niveau de 10% de remboursement. Car les actifs sont très faibles par l'endettement”, confie-t-il. Le liquidateur avoue qu'il y a un écart, une insuffisance d'actifs estimée à 166 milliards de DA soit 2 milliards de dollars US. Cela pourrait dépasser, selon lui, les 220 milliards de DA. Il a énuméré une série de contraintes qui freinent une mobilisation maximale de ressources. Le taux de remboursement ne saurait dépasser les 10% De prime abord, il évoque le volume de 38 milliards de DA de recouvrement à faire, des créances qui ne sont pas remboursées à des créanciers, des débiteurs qui ne sont pas profondément honnêtes, lenteur des actions engagées en justice. Bref, les services de M. Badci travaillent, indique-t-il, au rythme de l'environnement qui n'est pas souvent favorable. Toute cette panoplie de paramètres, explique-t-il, a un impact négatif sur la mobilisation des ressources. La situation comptable contestable à plus d'un titre (des comptes inexistants et se trouvant dans une situation de précarité, plus de 99 milliards de DA de créances douteuses non valides…) qui oblige le liquidateur à entamer une action active et intense d'apuration des comptes a, en outre, freiné, souligne M. Badci, le bon déroulement de la liquidation. En quoi consiste cette opération ? Il s'agit en fait d'une série d'actions que l'on doit mener de façon frontale. La première a trait à l'indemnisation des créanciers. “Pour cette action, nous sommes très avancés pour ne pas dire à la phase finale”, affirme M. Badci. L'on rappelle que le seuil de l'indemnisation financée par la société de garantie des dépôts bancaires, est arrêtée à 600 000 DA pour tous les déposants. M. Badci reconnaît, toutefois, que le seuil fixé est probablement insuffisant et nécessite à l'avenir une révision. Parallèlement à cela, le liquidateur a procédé pour des raisons économiques à la fermeture des agences et des structures où logeaient les services de la liquidation. Car, des montants faramineux sont engagés dans les coûts locatifs. La deuxième action concerne l'assainissement des comptes pour lequel des travaux sont lancés. Toutes les filiales et autres entités du groupe Khalifa ont été mises sous séquestre pour qu'elles soient mieux maîtrisées. Une insuffisance d'actifs de près de 2 milliards dollars US Les filiales à l'image de Airways et Antinea sont mises à la liquidation quand bien même, précise M. Badci, il n'y a pas beaucoup à en tirer sur le plan patrimonial. À ce propos, Airways doit à Khalifa Bank plus de 52 milliards de DA. “Donc, il n'y a pas de quoi espérer la liquidation des entités”, ajoutera-t-il. L'autre problème auquel font face les services de la liquidation est lié au personnel. Plus de 8 000 agents de l'entreprise ont été, selon M. Badci, indemnisés en faisant un effort immense de conformité. Ensuite, le liquidateur a établi un inventaire des dettes de l'endettement en engageant des dossiers de déclaration de créances. Plus de 10 000 créanciers ont effectué leur déclaration de créances qui ont révélé un montant de 168 milliards DA. “Ce sont des gens qui déclarent officiellement que Khalifa Bank leur doit ce montant global”, explique-t-il encore. Cette action de l'apurement commence, précisera M. Badci, par la déclaration de la créance à la condition que les actifs soient convertis en monnaie. “Nous avons également engagé une action de vente des biens de type véhicules, du mobilier, des micro-ordinateurs, ou des machines… Cette action a rapporté l'équivalent de 300 millions de DA. Cela dit, nous n' avons jamais fondé d'espoir sur la vente aux enchères pour pouvoir couvrir la dette”, reconnaît-il. Des irrégularités qui dépassent le stade de l'entendement sont ainsi relevées par les services de la liquidation. La Banque doit 168 milliards DA à 10 000 personnes Les montants en devises, pour ne citer que cet exemple, s'interroge le liquidateur, où sont-ils, ont-ils été détournés ? “Si nous sommes dans une situation d'insuffisance d'actifs, c'est que les fonds sont partis ailleurs”, constate-t-il. S'agit-il d'un détournement réel d'argent dans ce cas précis ? “Ce sont des irrégularités inadmissibles qui impliquent des détournements de fonds sous des formes variées que nous aurons à analyser, à démonter et à situer”, répondra M. Badci. Parmi ces anomalies, le blanchiment d'argent occupe une partie importante. Dans ce contexte, M. Badci privilégie une autre formulation : il préfère usiter l'expression “salissement de fonds propres”, car, dans la réalité des faits, explique M. Badci, il y a une masse de fonds qui appartient à des gens honnêtes et à des entreprises qui activent dans un processus sain. Ils ont fait confiance à cette banque et y ont déposé leurs fonds légalement. Résultat des courses : on les a dépouillés et leurs fonds ont été salis. Pour les fournisseurs étrangers qui n'ont pas été payés, les partenaires étrangers de l'Algérie, les opérateurs nationaux, les émigrés, le même verdict leur sera appliqué. “Nous ne regardons ni la nationalité, ni la position territoriale du créancier. Un étranger créancier pour nous est un créancier”, tient à préciser M. Badci. Par ailleurs, tout ce qui peut être décrété comme privilégié doit être, selon lui, prévu par la loi. Si ce cas n'est pas prévu par la loi, ce créancier est traité comme un simple créancier au moment du remboursement. Il s'agit des créanciers qui bénéficient de par la loi, du rang de prioritaire dans le paiement de ses créances tels que l'Etat, les organismes sociaux, le salarié lorsqu'on lui verse son solde de tout compte. L'opérateur étranger sera payé, estime le liquidateur, en participant à la caisse commune (toutes les ressources qui seront mobilisées quand les actifs seront réalisés). Une partie de ces opérateurs d'Outre-mer, bénéficiera d'un paiement dans la monnaie de leurs créances en devise lorsque la ressource sera constituée. La même procédure sera suivie pour les titulaires de bons en devises étrangers ou algériens. Les quote-parts en DA de ces derniers, une fois les ressources constituées, les ventes aux enchères effectuées à la suite de la réalisation des actifs, feront l'objet d'une reconversion en devises après autorisation de la Banque d'Algérie. “Tout cela se fera au moment de l'apurement”, confirmera M. Badci. Reste à savoir maintenant la réaction des déposants qui se sont sentis arnaqués dans cette affaire. Reste à s'interroger, enfin, sur l'insistance des pouvoirs publics à brandir la menace de sanctions des responsables de cet énorme détournement de l'argent des déposants. Tentent-ils de se blanchir auprès de l'opinion publique, qui n'est pas dupe, persuadée que les “vrais commanditaires” ne seront pas démasqués. B. K.