Les intervenants ont vigoureusement dénoncé l'incarcération des professionnels de la plume. “Nous avons un pouvoir qui est l'expression d'un système qui n'a pas changé depuis l'indépendance et qui n'a pas renoncé à la pensée unique. Ce pouvoir n'a jamais toléré l'existence de la presse. Et cette presse devient d'autant plus dangereuse aux yeux du pouvoir qu'elle s'intéresse à lui”. C'est ainsi que Me Miloud Brahimi, membre du collectif d'avocats de Mohamed Benchicou, le directeur du Matin, a expliqué, hier, les tensions qui minent la relation entre la presse et la justice. Intervenant à l'occasion du Forum des libertés organisé à la Maison de la presse, Tahar-Djaout, à l'initiative du comité pour la libération des journalistes emprisonnés, devant un parterre de journalistes, d'éditeurs (Omar Belhouchet d'El Watan, Ali Ouafek de Liberté, Ghania Khelifi du Matin, Ali Djerri d'El-Khabar) et en présence du SG du SNJ, Rabah Abdallah, et de Zoubir Souissi, le président du Conseil de l'éthique, Me Miloud Brahimi a dénoncé vigoureusement l'incarcération des journalistes. Le recours à ce procédé est d'autant plus incompréhensible, selon le conférencier, que la presse nationale a eu à “combattre beaucoup de maux à la fois”, comme le terrorisme, les pressions occidentales et les abus du pouvoir. Intervenant sur les intentions du gouvernement en matière d'organisation de la profession, le Dr Brahim Brahimi, universitaire, a d'emblée expliqué à l'assistance son refus d'intégrer la commission de révision de la loi sur l'information installée par le ministre de la Communication “tant que des journalistes seront en prison”. Tout porte à croire, a-t-il prévenu, que “nous préparons un code de l'information et non pas une loi sur la liberté de la presse”. Le conférencier a revendiqué l'ouverture d'un vaste débat autour de l'organisation de la corporation “sans faire dans la précipitation”. Parlant de l'aide à la presse, l'intervenant indiquera qu'elle sera octroyée “en fonction de l'assujettissement des directeurs de journaux au gouvernement”. Dénonçant le harcèlement de la presse, Brahim Brahimi dénoncera la mise en avant de l'argument commercial à chaque fois que le pouvoir désire sanctionner certains. “Sur les 47 quotidiens, il y a beaucoup de titres qui ne représentent rien pour la société et qui sont manipulés par des forces occultes, et ces titres-là, on ne leur demande jamais de comptes”. Ali Djerri, le directeur d'El-Khabar, qui exprimera le soutien de l'Organisation arabe pour la liberté d'expression, abondera dans le même sens que Brahim Brahimi. “Si les règles commerciales venaient à être appliquées réellement, il ne subsistera que six titres de la presse et je défie quiconque de me dire le contraire”, martèle-t-il avant d'ajouter que “le pouvoir s'est acharné contre les dettes du Matin en oubliant les trois cents (300) milliards de dettes détenus sur des titres et qui n'ont jamais inquiété personne”. Kamel Amarni, journaliste au Soir d'Algérie observera lors des débats succédant aux communications que “le pouvoir n'attaque en diffamation que les journaux qui dénoncent les positions des autorités et celles du président alors qu'il y a d'autres titres de la presse qui font l'apologie du terrorisme et du racisme et qui n'inquiètent nullement la justice”. Mohamed Bouhamidi, le chroniqueur du même quotidien, notera de son côté que tout cet acharnement intervient pour “empêcher les journalistes de faire un travail d'investigation et de dénoncer les affaires de corruption”. N'ayant pas pu venir en Algérie pour un problème de visa, Aidan White, le SG de la FIJ, n'en a pas moins adressé un message de solidarité aux journalistes algériens. Dans ce message lu par Rabah Abdallah, le SG du SNJ, qui dénonce fermement l'incarcération des journalistes, expliquera que les gouvernants doivent comprendre que “le public peut demander des comptes sur le mode de fonctionnement du pouvoir, et que cela représente le repère d'après lequel nous pouvons juger de la qualité de la liberté d'expression dans toute démocratie”. N. M.