Quinze morts en Belgique ont bouleversé le royaume et le roi. Légitimement. Il a fallu tout de même un grave accident sur une canalisation de gaz à Ath pour en arriver à un tel bilan. Une enquête a été ordonnée derechef. Les réactions des autorités belges signifient qu'elles considèrent un tel évènement comme grave : un tel accident ne devrait pas arriver. À Ascension, au Paraguay, 340 personnes sont grillées dans un supermarché parce que des vigiles ont refusé d'ouvrir les issues de secours tant que les victimes n'ont pas payé leurs courses. L'histoire ne dit pas si les malheureux clients ont abandonné leurs emplettes au moment où ils tentaient de fuir le sinistre ou s'ils les ont emportées au paradis. Entre les deux, à M'sila, des Algériens s'entassent, de leur propre chef, asphyxiés dans un puits. Un, puis deux, puis sept, puis neuf. Des agriculteurs à qui l'on a appris qu'un moteur à combustion dégage du gaz carbonique, cela doit exister. Mais que des sapeurs-pompiers viennent s'ajouter à l'hécatombe, par imprévoyance, cela ne devrait pas exister. Sans être initié aux questions de sauvetage, on peut deviner que les problèmes d'émanations susceptibles de conséquences respiratoires, ce doit être le minimum du manuel du pompier. La bravoure de ces deux soldats du feu et de leurs trois collègues sortis indemnes ne justifie point qu'ils laissent ainsi leur vie par défaut de maîtrise de leurs conditions d'intervention. Dommage qu'on soit dans un pays où l'on n'a pas l'émotion facile quand ce sont des quidams qui décèdent, sinon il y aurait beaucoup de sacrifices qui ressemblent à des meurtres. D'ailleurs les autobus continuent à tomber allègrement dans la mer. Après le drame d'Alger, certainement suivi d'une enquête qui devait déterminer les causes exactes de la catastrophe, c'est au tour d'un bus de Béjaïa de couler hommes et biens. Pendant ce temps, on place des caméras, rue Didouche-Mourad à Alger, pour “suivre les mouvements de groupes terroristes”, nous dit-on ! C'est un canular, n'est-ce pas ? Ou bien le GSPC emprunte-t-il les plus élégantes artères assez habituellement pour mériter d'y être filmé ? Même l'argument accessoire de l'insécurité ordinaire ne tient pas la route. Rien n'est plus connu que les méthodes de ce petit banditisme de trottoir. Il suffit d'accepter d'affronter le réseau, visible, de trabendisme, de surveillance de parking sauvage, de dealers et de détrousseurs de jeunes filles et de vieillards…. Sinon les caméras ne serviraient qu'à aider une puissance publique couche-tôt qui, déjà abandonne la ville le soir pour s'enfermer dans ses résidences et ses casernes, à faire la sieste de jour. On peut craindre que ces caméras ne soient en fait que les tables d'écoute de la rue. On ne revendique pas la citoyenneté qui oblige les autorités à assumer le moindre de nos malheurs ; on n'est pas encore belges. Mais n'attendons pas des drames à l'uruguayenne pour porter notre intérêt au citoyen. Partout, pas seulement dans les grandes artères. Pour le protéger, pas seulement pour le surveiller. M. H.