Comme attendu, la “démission” du général major des corps d'armée, Mohamed Lamari, loin cependant de livrer tous ses secrets, a été immédiatement suivie de “répliques”. Ainsi, jeudi, le président de la République a procédé à de nouvelles nominations, plutôt à un remaniement, à la tête de la hiérarchie militaire (lire le papier de Samia Lokmane) puisque, hormis le départ “inexpliqué” du général major, Brahim Fodil Chérif, désormais ex-commandant de la plus importante région militaire, en l'occurrence, la première (Blida), le reste des officiers supérieurs se sont vus touchés par des mutations. Bien mieux, les postes clés de l'institution militaire comme le commandement des forces aériennes, des forces navales, de la Gendarmerie, de la Garde républicaine, du Département des renseignements et de la sécurité (DRS), celui du contre-espionnage (DCE) ainsi que la direction de l'Ecole interarmes de Cherchell n'ont pas changé de titulaire. Et comme de coutume, fidèle à une tradition bien établie depuis des lustres, caractéristique première des régimes secrets, aucune précision n'a été donnée par le communiqué de la présidence sur les raisons de ces changements, encore moins sur les critères et les motivations de ce “chamboulement”. A priori, du reste, un avis largement accrédité par certains observateurs de la scène politique nationale, avec le départ de Mohamed Lamari, l'un des hommes clé du régime qu'accompagne aujourd'hui dans sa “retraite” Fodil Chérif, un homme réputé proche de l'ex-patron de la Grande muette, c'est une nouvelle page qui s'ouvre dans le fonctionnement du pouvoir algérien. La fin d'une époque, en somme. Autrement dit, du moins c'est la première lecture suggérée par le communiqué, le président, Abdelaziz Bouteflika, en réussissant à “mettre à l'écart” deux hommes connus pour leur hostilité à la “réconciliation nationale” apparaît désormais comme le véritable détenteur de tous les leviers de commande du pays. Avec “cette révolution au palais”, c'est la plus importante citadelle qui tombe entre ses mains, et c'est le principe énoncé lors du congrès de la Soummam, longtemps bafoué, qui est mis en branle à savoir la primauté du politique sur le militaire même s'il est vrai que le chef de l'Etat est lui-même issu de l'armée. Cependant, des non-dits et des zones d'ombre entourent ce qui s'apparente à des “secousses feutrées au sommet”. Il y a d'abord la nomination à la tête de l'institution d'un homme qui est au crépuscule de sa vie. Septuagénaire, le général major, Salah Ahmed Gaïd, que l'on dit “proche de Bouteflika”, apparaît à bien des égards comme une solution provisoire, en attendant donc d'autres changements qui s'annoncent imminents à se fier à certaines sources. Une solution qui distille, par ricochet, les relents d'un compromis auquel cas il serait utile de connaître la nature de la contrepartie. Ensuite, le maintien des principaux responsables de l'institution que la “vox populi”, mais aussi de nombreux observateurs désignent comme étant les “vrais décideurs”, laissent à penser que Bouteflika ne jouit pas encore de toutes ses “prérogatives”. Enfin, le maintien aussi de certains officiers à leur place et connus pour leur “hostilité” publique à l'endroit de l'actuel locataire d'El-Mouradia peut traduire qu'il s'agit seulement de “rééquilibrage”. Alors fin d'une époque ou simple rééquilibrage ? Les prochaines semaines, dont beaucoup s'attendent à d'autres changements, notamment l'éventualité de la nomination d'un ministre de la Défense, pourraient nous renseigner sur l'évolution des rapports de force au sein du sérail. K. K.