Les quelque 40 000 hommes déployés par les forces de sécurité sur le terrain n'auront finalement pas suffi à dissuader les “délinquants” routiers. La route continue de tuer. Jeudi 5 août, autoroute de Bir-Mourad-Raïs. Il est 13 heures. Le flux automobile est intense. Des véhicules pleins à craquer d'enfants se dirigent vers les plages de la côte ouest de la capitale. Le commun des mortels n'aura jamais admis qu'un drame, le moindre drame, survienne devant ces bambins qui piaffent d'impatience de mettre les pieds dans l'eau en cette journée ensoleillée. La chaleur extérieure affiche 38° C avec un taux d'humidité supérieur à 66 %. Soudain, un véhicule particulier, roulant à vive allure, se renverse. Il fera plusieurs tonneaux avant de s'arrêter. Le chauffeur, la quarantaine, est seul. Le choc est violent. Grâce au système de sécurité airbag, il s'en sortira. Une dizaine d'automobilistes s'arrête pour lui apporter les premiers soins et appeler les secours. Ces derniers arrivent, fort heureusement, quelques secondes après le drame. Certains automobilistes tournent le dos à ce qui vient d'arriver. D'autres accélèrent pour éviter à leurs enfants l'image terrible du bonhomme allongé à même le sol. D'autres, des curieux inconscients, descendent en famille pour voir de près le “spectacle”. La route sera immédiatement dégagée avec l'arrivée des gendarmes et des brigades mobiles de la Police nationale qui veillent au grain et à la sécurité des estivants sur le grand périphérique de la capitale. Cet évènement – ou non-évènement pour ceux qui en savent peu ou rien du prix de la vie humaine –, semblerait banal. L'accident est survenu. L'homme est libéré et la circulation routière reprend son rythme infernal avec son lot d'accidents, de drames… et de larmes. La saison estivale n'est qu'à mi-chemin ! Les statistiques avancées sont alarmantes. Les campagnes de prévention routière lancées par les pouvoirs publics n'ont finalement pas eu l'impact souhaité sur les automobilistes délinquants, et l'Algérien, par sa mentalité et tant qu'il n'est pas touché personnellement, continue à ignorer les conséquences d'un accident mortel sur sa famille et son entourage. Sur la route de Tipasa, alors que l'embouteillage a atteint son summum, des automobilistes empruntent les pistes et se faufilent entre les véhicules pour gagner quelques mètres de plus. “Les Algériens ? Quand ils conduisent, ils mesurent leur force par rapport à la puissance de la voiture. Appel de phares à la limite du harcèlement, dépassement dangereux, excès de vitesse dans les agglomérations, dépassement de la vitesse limitée… Mais quand un drame survient, ils évoquent le maktoub (destin)”, dira un automobiliste averti. Avec 30 000 gendarmes déployés dans le cadre du plan Delphine, près de 10 000 policiers encadrant les grands périmètres de circulation et l'implantation des barrages destinés à ralentir les automobilistes (une moyenne d'un barrage chaque 2 km sur le littoral), l'automobiliste délinquant trouve le moyen de provoquer la mort d'autrui. Autre fait marquant et désolant, les cortèges de mariage. Combien de fêtes se sont transformées en deuil ? Souvent, ce sont des jeunes excités qui provoquent l'irréparable. De leur côté, les transporteurs de voyageurs qui desservent les plages n'échappent pas à la règle. Le réflexe “du premier arrivé à la station, premier rempli”, provoque des dégâts énormes. Portes ouvertes, ils confondent souvent le client avec la pièce de 10 DA, stationnent et quittent les arrêts quand ils veulent. “À moitié victime, à moitié complice, comme tout le monde”, disait Jean-Paul Sartre, l'estivant algérien et les pouvoirs publics ne s'entendront jamais tant que les vrais garde-fous de la prévention routière ne sont pas instaurés. F. B.