L'insurrection chiite, réprimée sauvagement par la coalition, risque de compliquer davantage la mission de paix en Irak que se sont fixée les nouveaux dirigeants de Bagdad. Ce soulèvement constitue une embûche supplémentaire sur le chemin de Iyad Allaoui, qui ne s'attendait certainement pas à une rupture aussi violente de la trêve conclue avec les partisans du jeune imam chiite. Même si les bilans du nombre de victimes sont contradictoires, plus de quatre cents pour la coalition et une soixantaine seulement selon les sources hospitalières, il n'en demeure pas moins que cette répression sauvage de la rébellion chiite laissera des traces indélébiles parmi les fidèles de Moqtada Sadr. La rébellion s'est étendue à de nombreuses villes et régions irakiennes telle une traînée de poudre, ne laissant guère de répit aux forces de la coalition. Ces dernières n'ont pas hésité à recourir à l'armement lourd et à l'aviation pour tenter de contenir cette déferlante. Hier, les combats ont repris de plus belle à Nadjaf, à Bagdad dans le quartier chiite de Sadr-City faisant d'autres victimes. Devant cette répression sanglante, les chiites ont redoublé de colère comme le montre la déclaration de “djihad” faite par les fidèles de Moqtada Sadr à Bassorah. Salem Odeh, le vice-gouverneur de cette ville située au sud de l'Irak, qui est également un représentant de Sadr, est allé jusqu'à dire : “Nous refusons toute négociation avec les forces d'occupation, elles nous ont proposé de libérer quatre membres de l'armée du Mehdi, mais nous n'avons pas donné suite à cette proposition.” Il a poursuivi : “Nous continuerons à combattre à Bassorah. Tant que la situation à Nadjaf ne sera pas revenue à la normale, la résistance ne va pas cesser.” Reste à savoir maintenant si le gouvernement de Iyad Allaoui ira jusqu'au bout de sa résolution à combattre toutes les milices, notamment celle de Moqtada Sadr. Le porte-parole du gouvernement, M. Girgis Sada, a fermé la porte à toute possibilité de règlement de cette nouvelle crise en affirmant : “Nous sommes persuadés à 100% qu'il ne doit pas y avoir de milices appartenant à quiconque en Irak.” Cette déclaration coupe court tout espoir de trouver un arrangement entre les deux parties, à moins de concessions de part et d'autre. Les déclarations véhémentes du gouverneur de Nadjaf, qui affirmait que les forces combinées, composées des soldats de la coalition et de la sécurité irakienne, ont tué 400 partisans du jeune imam chiite et fait un millier d'entre eux prisonniers, n'ont fait qu'exacerber la tension davantage. L'ultimatum de 24 heures qu'il leur a fixé pour quitter la ville sainte, sous peine de se faire tuer, n'a guère arrangé les choses. C'est le jeune imam chiite qui a haussé le ton en déclarant publiquement sa haine et celle de sa communauté pour les Américains. Moqtada Sadr a publiquement annoncé vendredi : “Le président irakien dit : l'Amérique est notre ami, moi je dis, l'Amérique est notre ennemi.” Il s'agit là d'une véritable déclaration de guerre aux forces d'occupation dirigées par les Etats-Unis. Les observateurs redoutent une résurgence de l'insurrection chiite contre l'occupant d'avril dernier, qui donnera sans aucun doute du fil à retordre aux forces de l'occupation et surtout au gouvernement de Iyad Allaoui. La conférence nationale irakienne, prévue initialement pour le 31 juillet, puis reportée à la demande du secrétaire général de l'ONU, pourrait ne pas avoir lieu si cette violence persiste. Au profit de qui tournera le face-à-face des deux chiites, Moqtada Sadr et Iyad Allaoui ? K. A.