À voir son audience auprès de la communauté chiite, le jeune imam Moqtada Sadr paraît être l'une des pièces maîtresses de tout règlement de la crise irakienne. Il refuse tout dialogue avec le pouvoir transitoire et l'occupant. Constatant l'importance du soulèvement chiite intervenu dans plusieurs villes irakiennes à la suite des propos antiaméricains de Moqtada Sadr, le Chef du gouvernement intérimaire irakien n'a pas tardé à modérer sa position. Après avoir commencé à proposer à l'imam chiite de participer aux prochaines élections générales prévues au début de l'année 2005, Iyad Allaoui s'est déplacé à Nadjaf dimanche dans l'espoir d'apaiser les esprits surchauffés. Même s'il est demeuré ferme sur sa position de ne pas négocier officiellement de trêve avec les insurgés, le Premier ministre irakien a néanmoins appelé les insurgés à “déposer leurs armes et à quitter la ville sainte de Nadjaf et le mausolée de Ali” en échange d'une amnistie pour ceux qui n'ont pas commis de meurtres. Cette proposition avait pour objectif de ramener le calme dans cette ville en proie à de violents affrontements, depuis jeudi, entre les fidèles de Moqtada Sadr et les forces de la coalition, assistées par les éléments de la police irakienne. La grande résistance, dont font preuve les révoltés contre la présence américaine en Irak, a certainement pesé lourd dans la décision du Chef du gouvernement de faire une visite surprise à Nadjaf. Il semblerait que l'initiative de Iyad Allaoui a totalement échoué, face à l'intransigeance de Moqtada Sadr. Ce dernier a rejeté les propositions et surtout l'exigence du gouverneur de la ville de voir les rebelles déposer les armes et de partir dans un délai de 24 heures. Dans une conférence de presse animée, hier, au mausolée de l'imam Ali, il a coupé court à toute possibilité de dialogue en déclarant : “Je continuerai à combattre, je resterai à Nadjaf. Je ne quitterai pas la ville sainte. J'en serai un défenseur. Je resterai ici jusqu'à ma dernière goutte de sang.” Sadr n'a pas manqué de réitérer sa position vis-à-vis des Etats-Unis : “Je suis un ennemi de l'Amérique et l'Amérique est mon ennemie jusqu'au jour du jugement dernier”. Aux insurgés, il a adressé son soutien indéfectible. Quant à la possibilité de voir des négociations entamées avec le gouvernement aboutir, il n'a catégoriquement pas balayé cette hypothèse en disant : “Quelles négociations peut-il y avoir quand la guerre et les bombardements continuent.” Moqtada Sadr a été, on ne peut plus clair, en appelant les autres dignitaires religieux à adopter la même position que lui en soutenant les insurgés. L'ultimatum s'est achevé et les combats se poursuivent toujours à Nadjaf et dans le quartier Sadr City de Bagdad. Le dernier bilan fait état d'une cinquantaine de morts depuis samedi seulement. On est tout de même très éloigné des 300 ou 400 morts parmi les partisans de Moqtada Sadr, annoncés par la coalition et le gouverneur de Nadjaf. En réaction à ce bilan, des responsables du bureau du jeune imam chiite avaient affirmé que les chiffres réels ne représentaient que 10% de cela. Pour eux, les Américains voulaient tromper l'opinion publique sur la réalité du terrain. Quoi qu'il en soit, le nouveau pouvoir irakien n'a pas d'autres choix que de parvenir à un accord avec Moqtada Sadr, dont l'influence au sein de la communauté chiite est plus que réelle, pour espérer amorcer un retour à la paix. En effet, si les chiites intensifient leurs actions de résistance, il est évident qu'il sera impossible aux forces de la coalition et à la police irakienne de faire face à deux fronts, car dans le triangle sunnite, la guérilla ne leur laisse aucun répit. Des sources irakiennes affirment que si publiquement Iyad Allaoui fait preuve de fermeté, il mène en secret des négociations avec des émissaires de Moqtada Sadr pour aboutir à un cessez-le-feu. Jusqu'à maintenant, il a essuyé des fins de non-recevoir. Il ne désespère pas d'aboutir à un accord, quitte à faire des concessions à ce jeune imam à la popularité sans cesse grandissante. K. A.