Au départ, les faucons de la Maison- Blanche se voulaient intraitables sur la question. À leurs interlocuteurs européens, ils expliquaient ainsi l'initiative pour un Grand Moyen-Orient : “Où les régimes arabes acceptent de faire de vraies réformes où on leur fera la guerre.” La première version du projet transmise aux Français faisait clairement référence à l'utilisation de la force militaire ou même à l'invasion de pays musulmans qui refuseraient d'accepter la méthode des réformes préconisée par les Américains. Sûrs de leur force pendant les premières semaines de l'invasion de l'Irak, les Américains excluaient même toute idée de remaniement de leur projet, malgré l'insistance de Paris et l'accueil froid que les pays arabes lui avaient réservé. “Pour les Français, il était par exemple inconcevable de mettre les pays du Maghreb, ceux du Golfe et les pays d'Asie centrale dans un même ensemble baptisé Grand Moyen-Orient. Nous leur avons expliqué que chacune de ces régions avaient ses propres spécificités et ses problèmes particuliers. On leur avait dit qu'on ne pouvait imposer les mêmes réformes en Arabie Saoudite, pays où se trouvent les Lieux Saints de l'Islam et au Maroc ou en Algérie, culturellement plus proches de l'Occident. Mais à chaque fois, leur réponse était la même : notre projet est le bon et nous allons l'imposer aux régimes arabes”, explique un diplomate français. Dans la presse américaine, le projet est présenté par ces prometteurs comme “l'initiative du siècle”. Celle qui allait permettre aux Américains de s'attaquer enfin aux vraies racines du terrorisme. Des conseillers de George Bush ont même pris leurs plumes pour s'exprimer dans les grands quotidiens américains et mettre en garde les dirigeants arabes. “Sur le constat global, nous étions d'accord avec les Américains : le monde arabe a besoin de réformes démocratiques, souligne le diplomate français. Mais avec ce que les Américains proposaient, on avait plus de chance de conduire le monde arabe vers le chaos plutôt que vers la démocratie”. Ce n'est qu'après l'apparition des premières difficultés de l'après-guerre en Irak qu'ils ont accepté difficilement le principe d'introduire quelques modifications dans le texte initial. L'évolution chaotique de la situation irakienne a même poussé ensuite les Américains a accepté la quasi-totalité des amendements proposés, y compris ceux des dirigeants des pays musulmans. Le 9 juin dernier, lors du Sommet du G8 de Sea Island aux Etats-Unis, le projet a été a adopté après avoir subi, au fil des réunions préparatoires, des amendements qui l'ont fait changer de nature. Il a été rebaptisé “Partenariat pour un avenir commun avec la région du Moyen-Orient élargi et de l'Afrique du Nord”. Depuis cette date, embourbés en Irak, les Américains évitent d'évoquer le sujet. Un silence qui devrait se prolonger au moins jusqu'à la présidentielle américaine de novembre prochain. L. G.