Une année après son installation, le comité ad hoc n'a rien trouvé de mieux à offrir aux familles des disparus. Le très polémique dossier des disparus revient encore cette semaine sur le devant de la scène, à l'occasion d'une option de réparation que le gouvernement semble prendre, définitivement, pour en finir avec cet encombrant contentieux de la décennie rouge. Argent contre deuil semble être la devise que propose le mécanisme ad hoc présidé par Farouk Ksentini aux familles de ces personnes disparues. Installé il y a presque une année par le président de la République, en vue d'enquêter pour faire la lumière sur ces disparitions, cette structure peine apparemment à rendre son verdict. Impatientes, les familles, qui ont cru faire enfin le deuil de leurs proches, montent encore une fois au créneau pour revendiquer le droit d'avoir des renseignements sur le sort de leurs enfants. Des renseignements que l'organisme de Ksentini ne semble pas capable de fournir, du moins jusque-là, dans la mesure où aucune avancée notable n'a été enregistrée depuis une année dans la recherche de la vérité. Pourtant, à son installation, le président de la République s'est engagé solennellement devant le peuple algérien que son comité ad hoc allait élucider ce dossier quels qu'en seraient les coupables. Mais l'optimisme de certaines familles a vite cédé la place à l'inquiétude. Les rassemblements devant le siège de la Commission des droits de l'Homme à Alger ont repris de plus belle comme au bon vieux temps. Tous les jours des vieilles femmes prennent place devant l'édifice espérant être reçues par les collaborateurs de Ksentini. N'ayant visiblement rien à leur dire, les membres de la commission laissent faire sans broncher. Pendant ce temps, l'option des indemnités fait son bonhomme de chemin dans le discours officiel. Le président du comité ad hoc ne s'en est pas caché lors de son passage au forum d'El Moudjahid en laissant entendre que c'était l'unique “solution” à ce problème justement insoluble à ses yeux. Mieux, Ksentini s'est fait l'avocat des autorités en estimant que “l'Etat n'est pas coupable mais responsable”. Or, ce n'est point ce que réclament les familles des disparus. Ces mères, éplorées par la disparition de leurs enfants, demandent seulement qu'on leur dise s'ils sont morts ou vivants et, le cas échéant, leur indiquer le lieu de leur enterrement pour pouvoir enfin enterrer avec eux leurs espoirs. Il est, en effet, clair que le propos ici n'est pas tant de savoir qui est responsable de ces disparitions qui eurent lieu dans une période extrêmement difficile. La guerre étant par définition sale avec ses règlements de comptes et ses dépassements, mais soutenir que toutes les disparitions aient été l'œuvre des services de sécurité équivaudrait à enfourcher le cheval du “qui tue qui ?” qui projetterait inévitablement ce dossier dans l'arène politique. Cela ne dédouane pas pour autant les autorités de leur devoir de faire en sorte que ces familles connaissent enfin le sort des leurs morts ou vivants, comme le leur dicte la Constitution. Le comité ad hoc a-t-il bénéficié de tous les moyens pour la recherche de la vérité ? A-t-il subi des pressions pour enterrer ce dossier ? Ce sont toutes ces questions que se posent ces familles qui refusent d'encaisser l'argent qu'on leur propose. Pour elles, c'est une question de principe que de vouloir savoir où sont passés leurs enfants, comme cela leur a été promis par le président Bouteflika. Et les indemnités devraient venir en aval du processus de réparation et non pas en amont comme cela semble être le cas. Une situation qui arrange parfaitement les tenants du “qui tue qui ?” pour rebondir en ce sens que “la solution de l'argent” sera vite assimilée à une volonté de cacher la vérité aux familles qui ne demandent certainement plus pour remuer le couteau dans la plaie. H. M.