La diplomatie est comme un iceberg, sa face cachée est plus volumineuse que sa face apparente. Et les observateurs craignent que la réciprocité en termes d'intérêt entre Alger et Washington ne soit que chimère. Si les Etats-Unis ont déjà conclu un contrat de vente d'armement avec l'Algérie, et qu'un second est en voie de finalisation, c'est que l'Administration américaine voit désormais autrement notre pays. Le geste à lui seul est de grande portée diplomatique. Il marque en effet une nouvelle ère dans les relations entre les deux Etats. Cependant, il est nécessaire de s'interroger sur ce subit regain d'intérêt des Américains pour un pays longtemps laissé seul face au terrorisme islamiste qu'ils s'entêtaient, d'ailleurs, à qualifier, des années durant, d'“opposition armée” à tel point qu'ils ont offert le gîte à l'un des dirigeants du parti dissous, Anouar Haddam. À première vue, ce sont les attentats du 11 septembre 2001 qui ont changé le regard américain. Mais ce n'est pas tout. L'Administration Bush, par le biais de son secrétaire d'Etat adjoint, William Burns, qui a séjourné avant-hier à Alger, se dit “frappée par tous les progrès réalisés depuis une année dans le cadre du développement des relations bilatérales”. Extraordinaire profession de foi ! Outre la coopération sécuritaire et la lutte contre le terrorisme international, il n'est un secret pour personne que la valise diplomatique de Burns contenait aussi bien d'autres dossiers que ceux liés à la sécurité internationale et à la conjoncture moyen-orientale, à savoir le problème irakien et la situation en Palestine. La politique économique engagée par notre pays intéresse également au plus haut point l'Administration américaine. Mais si les Etats-Unis encouragent les réformes et leur accélération, ils ne se pressent toutefois pas à investir hors des hydrocarbures et se gardent d'élargir pour autant leur centre d'intérêt qui ne va pas pour le moment au-delà du secteur pétrolier. Et c'est dans ce sens qu'ont versé les récentes déclarations de responsables américains, à Alger, qui insistaient beaucoup plus sur la nécessité de privatiser la Sonatrach. Ainsi, dans une conjoncture internationale particulière et des situations internes propres aux deux pays, l'Administration Bush et Abdelaziz Bouteflika ont fini par trouver des terrains d'entente dictés par des intérêts communs. Ce qui explique globalement les satisfecit mutuels. Mais le réchauffement des relations entre les deux pays résulte-t-il de compromis conjoncturels si bien que d'aucuns ne peuvent nier, aujourd'hui, le succès diplomatique de l'Algérie après des années d'isolement ? Les spécialistes de l'histoire des relations internationales diront tous, et sans réserve, que la politique extérieure des Etats-Unis n'a de tout temps jamais connu de bouleversements significatifs. Quel que soit le parti qui arrive à la Maison-Blanche, démocrate ou républicain, la nature des relations de l'Oncle Sam avec le reste du monde reste la même. Cette constance n'est en fait motivée que par un seul souci, celui d'assurer le bien-être du citoyen américain. Tout le reste est littérature. L'expérience et l'histoire nous enseignent qu'à chaque fois que le monde est confronté à une guerre, les Américains ne s'y impliquent que quand leurs intérêts sont menacés. Ce fut le cas lors de la Première Guerre mondiale où l'intervention américaine n'a été rendue possible qu'après l'attaque d'un de leurs bateaux en Atlantique. Ce fut également le cas lors de la Seconde Guerre mondiale où leur implication dans la lutte contre le nazisme ne s'est faite qu'après l'attaque de Pearl Harbor en 1942, et que, cette fois encore, le terrorisme international ne les intéressait de près qu'après les attentats contre les deux tours du World Trade Center. Ce qui pousse en effet les observateurs à dire qu'en arrière-plan des bonnes notes que délivre Washington à Alger se cachent des intérêts à sens unique. S. R.