Des démocrates, dont des militantes du mouvement féminin, accusent les islamistes, qui rejettent la révision du code de la famille, de malhonnêteté politique et d'hypocrisie. Depuis plusieurs semaines, les leaders des milieux islamistes, dont les présidents du MSP et d'El-Islah et aussi des imams, s'échinent à monter l'opinion publique contre de spécifiques amendements contenus dans l'avant-projet de révision du code de la famille (il sera examiné par le Conseil des ministres lors de sa prochaine réunion). Des responsables de partis politiques et des défenseurs des droits de la femme ont décidé de s'engager, à leur tour, dans le débat public afin de replacer, dans sa véritable dimension, une question qui tend à servir d'arme politique à des partis en mal d'existence. Nadia Aït Zaï, juriste et militante de la cause féminine, déclare que les islamistes trompent l'opinion publique par une mauvaise interprétation des préceptes de la charia. Elle avance, comme argument, que le Coran ne contient aucun verset imposant le tutorat matrimonial. La charia non plus. “Il ne faut pas parler de charia, mais de fiqh, qui n'est qu'une multitude d'écoles juridiques. L'imam Malek a donné sa propre interprétation de la tutelle. Il ne fait pas le consensus”. Elle répète inlassablement que s'accrocher à cette disposition, au XXIe siècle, est absurde. “Les arguments des islamistes ne sont fondés ni religieusement, ni sociologiquement, ni politiquement. Il est temps de reconnaître à la femme un statut de personne. Les amendements doivent être adoptés tels qu'ils sont proposés. C'est important”. Mme Aït Zaï estime que le combat des femmes ne sera pas terminé, y compris après l'entrée en vigueur d'un code de la famille révisé. Il n'en demeure pas moins qu'elle juge opportun de soutenir le gouvernement dans son action. “Agissons par pragmatisme en profitant de la volonté politique qui est manifestée pour arracher des acquis”, conclut-elle. Mme Belala, présidente de SOS Femmes en détresse, abonde dans le même sens en qualifiant le projet du gouvernement de positif, malgré ses insuffisances. “Nous pouvons dire que c'est un soulagement pour beaucoup de femmes qui vivent une situation dramatique, à cause des dispositions du code de la famille”. Elle se dit choquée d'entendre des islamistes, dont des imams (elle cite un prêche donné récemment dans une mosquée d'El-Biar), diaboliser les femmes qui revendiquent leurs droits et juger l'heure grave pour les musulmans. “J'ai l'impression de revenir à l'époque du FIS (dissous), car les femmes sont, à nouveau, la proie des islamistes”. Pour elle, les partis islamistes sont animés par des gens qui prônent le double langage. “Ils se disent démocrates, mais défendent, dans le même temps, des idéaux obscurantistes”. Le RCD se montre peu amène et avec les pouvoirs publics et avec les islamistes. “Le code de la famille fait partie des grands dossiers qui ne bénéficient pas de volonté politique chez les décideurs pour lui trouver une solution générale et globale. Il s'agit, aujourd'hui, de replâtrage, même si je reprends les propos de Nadia Aït Zaï, lors de son intervention à l'université d'été, où elle dit que les amendements proposés sont bons à prendre”, souligne M. Khendak, secrétaire national adjoint à la communication du parti qui a de tout temps exigé l'abrogation pure et simple de la loi de 1984. “Quant à la danse du ventre des islamistes, nous savons très bien, quand bien même ils laisseront des plumes sur cette question, que leur seul intérêt est la politique de l'entrisme et leur maintien dans les sphères du pouvoir…”, poursuit notre interlocuteur, qui ne nourrit aucune illusion sur la constance de ces partis au moment de l'adoption du projet du gouvernement. “Encore une fois, ils feront preuve de malhonnêteté politique”. À partir de là, le responsable du RCD tire ses déductions sur l'alliance présidentielle, laquelle fait apparaître de grandes divergences de visions entre notamment le RND et le MSP. “C'est une coalition fondée sur le partage des postes et non pas sur un programme”. Certainement pour ne pas envenimer outre mesure la situation, le RND n'a pas voulu épiloguer sur l'agitation du MSP et d'El-Islah autour d'un projet qu'il soutient mordicus. “Les responsables islamistes sont souverains dans leurs positions et déclarations. Quant à nous, nous dirons notre dernier mot à l'APN”, déclare Miloud Chorfi, porte-parole du Rassemblement. Plus direct, Djelloul Djoudi du Parti des travailleurs, affirme que “le groupe parlementaire du PT s'attellera à défendre les droits de la femme dès que le projet de révision du code de la famille arrivera à l'Assemblée nationale”. Il s'agit, pour ce parti, de continuer à porter une revendication vieille de vingt ans, c'est-à-dire l'abrogation du code de la famille. S. H.