Le président Bouteflika a procédé à un mouvement partiel dans le corps des magistrats, lequel a touché la présidente du Conseil d'Etat, Mme Aberkane. Le président de la République a saisi l'occasion de l'ouverture de la session du Conseil supérieur de la magistrature pour rendre public un mouvement dans le corps des magistrats. Il a procédé au remplacement de onze présidents de cour et sept procureurs généraux près les cours, ainsi qu'à la mutation de dix présidents et neuf procureurs généraux de cour. Il a mis fin aussi au procureur général près la Cour suprême. Le changement le plus significatif, celui qui était particulièrement attendu depuis l'élection présidentielle, concerne le départ de la présidence du Conseil d'Etat de Mme Farida Abderkane, qui a eu à gérer, par deux fois, l'inextricable affaire de l'invalidation du VIIIe congrès du FLN. La mission de cette magistrate n'aurait suscité aucune équivoque si elle n'était pas étroitement apparentée (épouse) de l'ex-ministre de la Santé (Abdelhamid Aberkane) connu pour être proche de Ali Benflis au paroxysme du conflit l'opposant au chef de l'Etat. Même si, dans l'absolu, Mme Abderkane n'a pas tant gêné la procédure d'invalidation des assises, organisées par Benflis, il était clair qu'elle devait quitter ses fonctions au premier changement décidé par le président Bouteflika. Ce qui fut fait, hier, au profit de la magistrate Fella Henni. Dans son discours, prononcé hier au palais d'El-Mouradia, le président de la République n'a pas manqué, justement, de faire une furtive allusion à l'épisode de “l'insubordination” du FLN. Il a commencé par louer une nécessaire indépendance de la justice, et par là même du juge qui l'incarne, estimant que cette “indépendance du magistrat, agissant en connaissance de cause, en conscience et suivant son intime conviction doit être défendue non seulement par le conseil supérieur de la magistrature mais aussi par toutes les institutions de la République, car il y va de la crédibilité de la justice et de l'Etat, ainsi que de la respectabilité du pays vis-à-vis de l'extérieur”. À peine s'est-il conformé à une règle de bien dire, qu'il a resitué sa pensée dans sa véritable logique en affirmant que l'Etat ne s'accommoderait pas d'une liberté sans limites. “L'indépendance du magistrat ne doit pas se traduire par le bon vouloir du juge s'exprimant en contre-pouvoir et agissant en dehors des limites que lui imposent les lois, car ce n'est pas la meilleure manière de servir la justice”. La mise au point ainsi faite, le premier magistrat du pays a rappelé que le plus important chantier, qu'il a ouvert à l'entame de son premier mandat, avait concerné la réforme de la justice. À ce titre, il a soutenu que cette réforme est bel et bien menée à un rythme normal. “Des étapes importantes ont été franchies dans le sens de l'amélioration de l'instrumentation juridique mise au service des magistrats, de la promotion et de la protection des droits et des libertés des personnes, de l'amélioration de la condition pénitentiaire ; toutes ces actions des pouvoirs publics visent à donner à la justice l'ensemble des moyens susceptibles de lui permettre de s'acquitter de sa mission dans les meilleures conditions...” À partir de là, il a placé la responsabilité des magistrats au cœur de la tourmente de la justice et surtout de la réussite de sa réforme, considérant cette démarche totalement “vaine” si “les magistrats ne se sentent pas impliqués et totalement engagés pour la réussite des différents chantiers entrepris dans ce cadre”. S. H.