L'Association des zaouïas d'Algérie organise son colloque à Tizi Ouzou. Le choix de l'endroit n'est pas fortuit, reconnaissent les organisateurs de cette rencontre qui le justifient par un faux compliment : c'est en Kabylie que se pratique le véritable islam de nos ancêtres. Décidément, nous n'aurions donc, en la matière, que le choix entre le passé et le passé, entre le passé mythique des intégristes et le passé archaïque de nos ancêtres. Ne serait-il pas possible de concevoir une pratique culturelle de notre temps ? Un statut de la religion compatible avec les exigences de la foi et l'évolution du monde. L'islam des zaouïas — qui se défend de toute parenté avec le wahhabisme — serait alors le véritable islam qui conviendrait à la société. Cette démarcation d'une version importée et imposée du culte semble empreinte d'un opportunisme suspect. Pourquoi aujourd'hui ? Les dégâts sanglants de l'islamisme n'ont provoqué aucune résistance de l'islam de nos ancêtres qui s'est, le plus souvent, contenté de détourner les yeux de la tragédie. Ce sont les démocrates et les républicains qui, à leur corps défendant, ont fait obstacle à l'hégémonie dévastatrice de l'islamisme oriental et non l'islam traditionnel. Le rôle d'intermédiaire sociopolitique des systèmes de domination qui, historiquement, ont éprouvé la région maghrébine est, lui aussi, connu et établi. Il y a donc de fortes chances que ni le lieu ni le moment ne sont fortuits. En Kabylie, un mouvement citoyen et revendicatif survit et se développe depuis une année et demie malgré la répression et les manipulations. L'ordre qu'il revendique pour le pays ne laisse nulle place aux influences de notabilités qui survivent justement parce que l'avènement de la citoyenneté est retardé par les forces conservatrices. Cette alliance entre les avatars socioculturels d'une Algérie féodale et coloniale et les ambitions obscurantistes constitue le principal frein à l'affranchissement de la société. Le notabilisme religieux compte-t-il se redéployer pour contrarier en Kabylie l'avancée de la conscience citoyenne, comme il l'a fait, il n'y a pas si longtemps, pour repousser la revendication démocratique ? Il n'y a pas que l'intégrisme qui use de l'alibi religieux pour promouvoir une conception politique. Le conservatisme et la régression se logent le plus souvent dans l'exaltation de la tradition. M. H.