Les jeunes d'Arzew ne cessent de clamer leur ras-le-bol devant la politique de marginalisation qu'ils ont vécue. “On nous traite comme des parias”, déplorent-ils. “Même les petites activités sont assurées par des travailleurs ramenés d'ailleurs”, affirment ces jeunes, qui ne cachent pas leur mécontentement devant le fait que “Sonatrach fait venir même des peintres et maçons des autres localités du pays”. “Avec le tarissement des puits de pétrole, personne n'entendra plus parler d'Arzew”. Le propos est d'un habitant de cette ville, distante de 35 km de la capitale de l'Oranie. La sentence de ce citoyen semble trouver sa justification dans les centaines d'hectares clôturés par Sonatrach et longeant le littoral allant de Bethioua au centre d'Arzew. Les torchères allumés en permanence, depuis l'époque de Boumediène, affichent, de prime abord, l'unique activité de la localité. Pourtant à l'ombre de ce joyau de Sonatrach, les petites misères de milliers d'habitants des cités dortoirs d'Arzew sont ostentatoirement affichées. L'unique accès vers cette ville à partir d'Oran oblige le visiteur à contempler la succession de cités perchées sur des collines surplombant le petit village érigé en capitale des hydrocarbures du pays. Juste à proximité de Haï Zabana, un quartier de 23 000 âmes, l'oued d'Arzew, cette blessure béante, offre l'image réelle de la gestion catastrophique de cette collectivité. L'oued continue à dégager des odeurs nauséabondes, signe du délabrement avancé que connaît cette localité. Les habitants de Haï Zabana — une cité construite durant le règne de Chadli — ne cachent pas leur malaise dès qu'on leur annonce qu'ils vivent dans l'une des plus riches communes du pays. “Avant, on vivait sous la hantise des incursions terroristes” affirment-ils, avant d'indiquer “qu'aujourd'hui, les moustiques assiègent impunément le quartier et même les autres cités de la ville”. Pourtant, la commune est dotée de six camions aménagés pour cet objectif. “On les voit une fois tous les six mois”, répliquent les citoyens qui nous ont invité à nous rapprocher du centre-ville où les mêmes odeurs polluent le quotidien des habitants. Paradoxalement, le géant Sonatrach qui, en envahissant la ville, fait appel à des technologies de pointe pour maintenir son statut “d'Etat mamelle”, n'arrive pas à entraîner cette collectivité locale dans sa croisière. Une collectivité incapable même de maîtriser le réseau d'assainissement d'Arzew. Avec un budget de 120 milliards de centimes, cette ville est placée au troisième rang des communes les plus riches du pays, après Hassi-Messaoud et Bethioua. Toutefois, cette fiscalité générée par le pipeline n'a rien changé au quotidien de près de 80 000 âmes, venues des quatre coins du pays, à la recherche du paradis pétrolier. Ici, les milliers de cadres des 20 complexes des hydrocarbures côtoient les innombrables poches de misère qu'Arzew n'arrive pas à cacher. Le chômage étant envahissant, le complexe des “Oulad labled” s'exacerbe à chaque rendez-vous électoral. Avec son allure de ville cosmopolite, renfermant des citoyens venus des 48 wilayas du pays, Arzew n'est pas parvenue à se défaire de son image de grand douar. Ceci explique le fait que cette commune est gérée par des élus indépendants, alliés à ceux de la formation islamiste de Mahfoud Nahnah. “Au lieu de parler en termes de sigles politiques, ici, on évoque des listes appartenant aux autochtones (Ouled labled) et les étrangers (baranis)”, déclare un candidat aux prochaines élections. En effet, les jeunes ne cessent de clamer leur ras-le-bol devant la politique de marginalisation qu'ils ont vécue. “On nous traite comme des parias”, déplorent-ils. “Même les petites activités sont assurées par des travailleurs ramenés d'ailleurs”, affirment ces jeunes qui ne cachent pas leur mécontentement devant “le fait que Sonatrach importe même des peintres et maçons des autres localités du pays”. Ainsi, au sein de la ville, les fléaux sociaux ne cessent de prendre des proportions alarmantes. Dans les cités-dortoirs érigées durant les décennies du parti unique, l'insécurité règne en maîtresse des lieux. Au point où on parle à Arzew de la banlieue incontrôlable. Les jeunes s'y adonnent à la consommation et au commerce des stupéfiants, devant l'incapacité des forces de sécurité de s'imposer dans ces lieux, devenus marginaux. À Arzew, il n'y a qu'un seul commissariat pour plus de 80 000 âmes. Les quartiers importants, tels Haï Zabana avec 23 000 habitants et Plateau avec 21 000 habitants, ne sont pas pourvus de postes des services de sécurité. L'activité des GLD est visible même au centre-ville, car les habitants d'Arzew gardent en mémoire la dernière incursion des terroristes au quartier Plateau où une famille en deuil avait été ciblée. De nuit, rien n'indique que cette localité est l'une des plus riches d'Algérie. L'éclairage public faisant défaut, des rues entières sont plongées dans l'obscurité. Ces rues et avenues portant encore des numéros au lieu d'appellations, en guise de repères, sont malfamées. Les bars et cabarets sont les seuls lieux de divertissements pour les habitants. Les vendeuses de charme viennent de partout, à la recherche de quelques dinars. Cette activité a placé Arzew, juste après Oran et devient une destination privilégiée des “fêtards”. Cette ville ne compte, qu'un seul centre culturel et une salle omnisports en cours de construction. Pour pallier cette situation, les jeunes se rabattent sur El-Bahia. Mais le déplacement vers Oran s'apparente plus à un marathon, à cause des moyens de transport qui font défaut. “Certainement, le privilège d'emprunter le train vers Oran reviendra à nos petits-enfants”, ironise un jeune d'Arzew, dès qu'on évoque le projet du chemin de fer, reliant cette ville à Oran. Un projet à l'arrêt depuis des lustres. Les maux de la capitale pétrochimique du pays ne s'arrêtent pas là. Ainsi, devant les importants flux migratoires enregistrés durant la dernière décennie, le rythme de construction de logements a baissé, à tel point que les élus ont laissé le soin de distribuer le peu de logements réalisés près de Haï Zabana à la daïra, de peur de subir la colère des 8 000 demandeurs de gîtes. Au même moment, une trentaine de familles continue à loger dans le centre de vacances Akid-Othmane, dans des conditions des plus précaires. Une bonne partie des patriotes de la ville vivent en compagnie de leurs familles, dans ces taudis formés de cabines sahariennes, appelées auparavant “Le camp italien”. Arzew, l'unique commune qui a échappé au RND dans la wilaya d'Oran, n'a pas connu pour autant, un meilleur sort. Une série de scandales liés au foncier a terni l'image de l'Hôtel de ville et de son équipe dirigeante qui s'apprête à plier bagages. “Ici, on ne parle pas d'élu du peuple, mais de Monsieur 10%”, déclare la majorité des citoyens qu'on a interrogée. La campagne électorale aidant, les langues commencent à se délier. “Les projets de l'APC sont la chasse gardée de trois entrepreneurs connus de tout le monde”, affirme un candidat du RND, qui fustige les mêmes pratiques que les élus de son parti ont imposées en règles ailleurs. En plein centre-ville, la place du 1er-Novembre vient de subir un maquillage, pour la somme de 4,400 milliards de centimes. Cet argent a servi à la réfection du pavé et au badigeonnage des bâtisses entourant la place publique, dont une partie menace ruine. À proximité de cette place publique qui commence déjà à s'effriter, le marché des fruits et légumes que des bicoques en bois abritent, risque d'être délogé incessamment. Cet important lot de terrain, qui a suscité tant de convoitises, vient d'échoir à l'actuel président d'APC, pour y construire un café et des locaux commerciaux. N'ayant reçu aucun édifice public significatif, la corniche d'Arzew, située sur un terrain accidenté, a bénéficié de la générosité des élus qui ont réalisé des escaliers, pour 1,500 milliard de centimes. Ces escaliers montent jusqu'au mausolée de Sidi-Abdelkader. Apparemment, c'est l'unique destination de ce chemin qui monte en pente raide, à proximité du centre des nouvelles technologies spatiales d'Arzew. En attendant, la campagne électorale bat son plein, devant l'indifférence des habitants qui continuent à rêver de voir un jour, leur ville s'épanouir, à l'image qu'on voudrait lui attribuer. H. B.