L'objectif est de baisser, de manière significative, les prix de cette denrée très prisée au cours du mois de ramadan. C'est pour déjouer les manœuvres des spéculateurs, les prix d'un kilogramme de viande ovine ayant atteint les 1 000 dinars dans des boucheries de la capitale à la veille du ramadan, que le ministère de l'Agriculture a décidé d'autoriser à partir de cette semaine la libre importation de la viande fraîche. Elle avait été suspendue pendant de nombreuses années, en raison entre autres, des effets de la vache folle. “L'importation des viandes rouges fraîches sera autorisée pour les opérateurs économiques à partir de la semaine prochaine en vue d'infléchir les prix de la viande en prévision du mois de ramadan. Nos concitoyens vont consommer de la viande saine hallal importée des pays du bassin méditerranéen”, a annoncé jeudi dernier le ministre de l'Agriculture, M. Barkat, cité par l'APS. Ce qui veut dire que de la viande ovine et bovine provenant particulièrement de France sera, dans les prochains jours, écoulée sur les marchés du pays, à moindre prix. “La décision a été prise suite à la hausse effarante des prix des viandes rouges. Cette mesure vise à briser l'augmentation spectaculaire des prix des viandes rouges à la veille du mois sacré et à mettre en concurrence les producteurs locaux”, explique le ministre. En un mot, faire jouer une règle économique : la concurrence pour faire baisser les prix. “La mesure positive pourrait diviser par deux les prix actuels de la viande”, confie un expert. De plus, grâce au test USB, il n'y a plus de risque de vache folle en Europe. La réaction rapide des pouvoirs publics face à la flambée des prix de la viande surprend. Tant la tendance, ces dernières années, avait été de laisser faire la spéculation, les services de contrôle étant défaillants. Le citoyen était habituellement “plumé” au cours du mois de ramadan, dans l'indifférence de l'Etat. Une situation intolérable vécue sur les marchés justifie la mesure : à deux semaines du mois de ramadan, des prix entre 800 et 1 000 dinars pour un kilogramme de viande ovine étaient observés dans les boucheries de la capitale. Des commerces devenus moins fréquentés depuis que les prix ont atteint, au cours de ces dernières années, des seuils astronomiques. L'ouverture du commerce extérieur aidant, les effets de la vache folle se dissipant, l'Etat avait lâché du lest en autorisant l'importation de la viande congelée, en dehors de l'Europe, précisément à partir de pays d'Amérique latine. Un créneau dominé par des opérateurs privés. Son prix étant de loin moins cher que la viande locale, une bonne partie des ménages se sont rués vers la viande congelée. Non sans risques. Car ces importations massives de viande congelée se sont accompagnées par de graves infractions à la réglementation. Souvent, la chaîne de froid n'était pas respectée faisant courir aux consommateurs des risques d'intoxication ou de maladies à retardement. La même préoccupation taraude aujourd'hui l'esprit des ménages. La logistique va-t-elle suivre pour sécuriser la consommation de viande fraîche importée ? Car il s'agit de contrôler la qualité de la viande de bout en bout. D'abord dans le pays fournisseur, s'assurer que l'abattage est hallal, que la viande est de qualité. Ensuite que le transport de la marchandise s'effectue dans de bonnes conditions. Qu'à l'arrivée, la viande subit les contrôles vétérinaires pour vérifier si elle est saine. Ensuite, que la qualité de la viande ne soit pas altérée dans le circuit de distribution. En un mot, que les opérateurs qui vont investir le créneau, pour la plupart sans doute privés soient des professionnels. À cela, s'ajoute la contribution des services de contrôle de manière à empêcher toute fraude et toute violation de la chaîne du froid et des règles d'hygiène. Sur ce dernier point, le consommateur reste sceptique. Dans un scénario de nouvelles défaillances des services de contrôle de l'Etat et du circuit de distribution, cette mesure positive d'importation de la viande fraîche risque de se transformer en cauchemar. Mais ne soyons pas trop pessimistes, attendons les prochains jours pour connaître les détails sur les prix et sur l'encadrement de ces importations, avant de se prononcer. Qui fait flamber les prix ? Le phénomène de spéculation est à l'origine de la flambée actuelle des prix de la viande. Pour comprendre ses ressorts, il s'agit de suivre le circuit de distribution de l'éleveur au maquignon et de l'abattoir au détaillant. Or, on assiste à une désorganisation de la chaîne de distribution telle que des quantités importantes de viande qui échappent au circuit officiel. Dans un contexte où le cheptel ovin stagne, faute de moyens modernes d'élevage. Précisément, une bonne partie des ovins atterrit dans des abattoirs clandestins. Une autre bonne partie est exportée frauduleusement en Tunisie et au Maroc. On évalue à 1 million de têtes la fuite annuelle vers les frontières sur un cheptel ovin estimé à plus de 10 millions de têtes. Dans cette situation, les spéculateurs jouent sur les quantités distribuées. Et donc influent sur les prix en période de forte demande. L'insuffisante coordination entre le ministère de l'Agriculture, le ministère du Commerce, les services de sécurité, la Douane et les impôts fait qu'on assiste à une anarchie sur le marché de la viande. Pas d'identification sérieuse des éleveurs, des intermédiaires. Pas d'abattoirs dignes de ce nom. Non-respect des règles d'hygiène. Défaillance des services de contrôle. Tout cela encourage les spéculateurs à alimenter la flambée des prix. Mais, il ne faut pas oublier un second facteur important à l'origine de la hausse. L'offre de viande ovine et bovine reste très insuffisante, d'où des prix nettement plus élevés que ceux de l'importation. La production n'a pas suivi l'augmentation de la population, d'où une demande forte de protéines animales, particulièrement ovine pendant le mois de ramadan. Il suffit donc une croissance de la demande, sans totale contrepartie en matière d'offre pour que les prix augmentent. Et la demande atteint son pic au cours du mois de ramadan. Ainsi, résoudre la problématique se résume, à la longue, à augmenter le cheptel ovin et bovin, en recourant aux méthodes modernes d'élevage et à accroître les surfaces fourragères. En attendant, protéger le pouvoir d'achat des citoyens consiste à organiser le marché de la viande, la solution appropriée à court terme contre les spéculateurs. L'importation de viande fraîche en constitue, aujourd'hui, la meilleure arme. N. R.