L'organisation syndicale qui s'attaque à Abdelaziz Bouteflika prend en fait position contre son éventuelle candidature pour la présidentielle de 2004. La décision est prise, l'UGTA fera barrage, quel que soit le prix, au programme de privatisation que compte accélérer le gouvernement. La Fédération du tourisme menace déjà d'organiser une marche de protestation le 22 décembre prochain. Mais, derrière cette démarche, ce n'est un secret pour personne, se dessine, avant l'heure, le positionnement de l'organisation de Sidi Saïd dans la course à la présidentielle de 2004. Une chose est sûre, sauf revirement de dernière minute, l'UGTA se place aux antipodes des ambitions du président de la République à qui on prête l'intention de briguer un second mandat à la première magistrature. Ses fédérations ne le cachent pas outre mesure. Elles affirment clairement que ce n'est point le Chef du gouvernement, Ali Benflis, qu'elles contestent, mais bien le programme de Abdelaziz Bouteflika. Le la est donné, le chef de l'Etat ne sera pas le cheval sur lequel misera la Centrale syndicale lors des prochaines joutes électorales. L'opposition au président de la République ne se limite pas, en effet, uniquement à la question des privatisations — sur lesquelles Sidi Saïd se dit, d'ailleurs, intransigeant — qu'il veut imposer par l'intermédiaire de ses hommes de main, à savoir Hamid Temmar et Chakib Khellil, mais aussi sa politique générale marquée surtout par ses sympathies islamistes. Le 2 octobre, c'est le secrétaire général de la Fédération des retraités, Abdelmadjid Azzi, qui devance les évènements pour s'attaquer à Bouteflika en des termes peu amènes. “Il nous a déçus”, déclarait-il dans un entretien accordé à notre journal. En plus de la gestion des affaires économiques qui ne l'arrange pas, par ailleurs, l'UGTA qui était à l'avant-garde de l'arrêt du processus électoral, en janvier 1992, est sortie de sa réserve pour dire son mécontentement à propos des déclarations du président de la République qui a considéré, dès son élection en avril 1999, que l'annulation des élections en 1992 était une première violence. Le chef de l'Etat, avait affirmé le secrétaire fédéral, est en train “de jouer la carte des islamistes, y compris ceux qui assassinent l'Algérie”. Aux yeux de M. Azzi, “lorsqu'on parle de concorde nationale, c'est pour vivre avec les criminels”, ce que, évidemment, rejette catégoriquement l'UGTA. Celle-ci, selon lui, “n'agit pas pour prendre le pouvoir, mais elle a le droit et le devoir d'être un contre-pouvoir à tous les projets économiques et politiques de notre nation”. Et c'est là la démarche que semble adopter l'organisation de Sidi Saïd qui se déclare, en effet, décidée à jamais à mettre en échec le processus de privatisation tel que conçu dans le programme présidentiel. À la lumière de ce bras de fer entre la présidence et l'Union générale des travailleurs algériens, ce sont les contours de la rude compétition entre Bouteflika et son Chef de l'exécutif qui deviennent de plus en plus clairs, même si tout est fait pour maintenir un certain modus vivendi entre les deux hommes. C'est vrai que, hormis les sorties fracassantes et les prises de position de l'UGTA contre l'un et en faveur de l'autre, il n'y a aucun autre indice apparent qui met en exergue la divergence des intérêts et des ambitions de l'un ou de l'autre, mais l'expérience nous a appris que la Centrale syndicale est un sérieux baromètre du climat politique national. S. R.