La position de la Centrale syndicale est tranchée. Elle ne soutiendra pas Bouteflika pour un second mandat. Après avoir appuyé sa candidature en avril 1999, le plus puissant syndicat du pays qu'est l'UGTA, lâche Abdelaziz Bouteflika à une année de la fin de son mandat. Sa décision ne souffre d'aucune ambiguïté. Et pour le montrer de manière concrète, l'organisation de Sidi Saïd passe à l'action en appelant à une grève générale dans les prochains jours. “L'UGTA a choisi son camp”, a affirmé avant-hier son patron. Et ce camp n'est plus désormais celui du président de la République. Ce n'est pas uniquement sa politique économique menée par ses hommes, Chakib Khelil et Abdelhamid Temmar, qui a provoqué le courroux du monde du travail, mais toute les actions qu'il a entreprises depuis son accession à la magistrature supérieure, il y a quatre ans. Pour la Centrale syndicale, “Bouteflika a trahi”. Et elle ne rate aucune occasion pour le lui faire savoir et souvent crûment. “Nous sommes contre ceux qui veulent tendre la perche à ceux qui nous ont égorgés, nous sommes contre le bradage du pays en livrant ses richesses aux étrangers, nous nous opposons définitivement aux privatisations, aux réformes économiques, telles que menées par le staff présidentiel. Pour les faire passer, il faut qu'on nous marche d'abord sur nos corps.” C'est ainsi que l'UGTA, qui revendique aussi “une solution définitive à la crise de Kabylie”, exprime, en vrac, sa colère, et dit au locataire d'El-Mouradia que non seulement elle ne cautionne plus la manière avec laquelle il gère le pays, mais s'y oppose avec tous les moyens. La messe est dite. Il est clair, aujourd'hui, qu'il ne s'agit plus de supputations, que l'organisation de Sidi Saïd n'est pas celle qui bénira un second mandat de Bouteflika. Le numéro un de l'UGTA a affirmé, hier, dans les colonnes du Quotidien d'Oran, que “ceux qui sont à la tête de l'Etat n'ont pas une gestion cohérente des affaires publiques”. À ses yeux, “l'Etat doit incarner l'autorité dans toute sa splendeur et non dans sa répression. C'est comme un père de famille, il doit savoir assumer ses responsabilités et savoir gérer toutes les situations qui se présentent à lui”. En confiant, également, à notre confrère : “Nous sommes en train de chercher celui qui incarne cette autorité”, Madjid Sidi Saïd, qui dresse le portrait type du responsable politique, souligne qu'il faut que l'Etat s'appuie sur “des hommes qui sachent incarner ses valeurs, les respectent et sachent les faire respecter”. Bouteflika semble, en effet, ne plus être de ceux-là. Le patron de l'UGTA lui endosse tous les échecs. En parlant d'ailleurs de ses conseillers qui ignorent totalement la réalité du pays, le premier responsable de la Centrale syndicale déclare que “le Président s'est fait hara-kiri, lui-même”, en ouvrant, par ailleurs, plusieurs fronts, entre autres, la crise de Kabylie. Si Sidi Saïd affronte sans gants le chef de l'Etat, il entoure, toutefois, de tous les soins son Chef du gouvernement, Ali Benflis, dont le capital sympathie, augmente, visiblement, de plus en plus, au sein du monde du travail. À une question si le responsable de l'Exécutif n'est pas comptable de la gestion des affaires publiques, il répond : “Si c'était le cas, à titre d'exemple, pourquoi le président s'occupe-t-il de la tripartite ?” Le Chef du gouvernement a été, selon lui, “usurpé de ses prérogatives”. Le secrétaire général du FLN dont les intentions présidentielles sont toujours du domaine de la spéculation, est-il donc celui qui répond parfaitement aux critères de l'homme d'Etat que recherche l'UGTA ? En s'affichant aux cotés de Sidi Saïd lors de la cérémonie de recueillement à la mémoire du défunt Abdelhak Benhamouda, Ali Benflis donne l'air de l'être. Et c'est ce type de signes qui clarifie de mieux en mieux les contours du camp que l'Union générale des travailleurs algériens, a choisi. La bataille pour la présidentielle ne fait que commencer. Si le Chef du gouvernement peut désormais s'assurer du soutien du syndicat le plus fort du pays, il est, cependant, confronté à une autre épreuve, celle du congrès du FLN. Des informations rapportées par la presse font état d'une éventuelle offensive menée par les hommes du président pour la tenue d'une conférence des cadres du parti, pour stopper net son ascension. S. R.