Invité du forum du débat libre organisé par Djazaïr News, Abdelmadjid Sellini, président du bâtonnat des avocats d'Algérie, a dressé hier un constat, pour le moins pessimiste, de sa corporation. “Notre profession connaît une régression”, regrette-t-il. Aussi, il a plaidé pour “la recrédibilisation de cette profession” dont les conditions d'exercice “n'ont pas changé depuis plusieurs années”. Une recrédibilisation qui passe nécessairement par l'assainissement du tableau des avocats. Opération qu'il a enclenchée en arrivant à la tête du Bâtonnat. Ainsi, il a indiqué que quelque 1 800 des 4 000 avocats que compte la corporation sont rayés du tableau. Tout en se gardant de jeter la pierre à ses prédécesseurs, Abdelmadjid Sellini a soutenu : “Le précédent bâtonnat n'a pas fait face à ses devoirs. Peut-être parce que la profession d'avocat était au sommet de la pyramide”. Au bout du compte, la corporation accuse un surnombre, et son effectif, affirme-t-il, a plus que “quintuplé”. La solution, à ses yeux, est que les autres professions (notariat, huissier, commissaire-priseur et Fonction publique) fassent l'effort d'absorber, un tant soit peu, cette masse de diplômés. “C'est une grosse opération d'escroquerie envers ces jeunes diplômés. On est prêt à prendre le maximum, mais on ne doit pas faire de l'emploi de jeunes. Il faut leur ouvrir les portes des autres professions”. “ça m'a coûté très cher, mais il faut mettre de l'ordre dans la profession. Je me suis fait des ennemis mais pour l'intérêt de la profession”. L'autre action qui, de son avis, est de nature à redonner son lustre à cette profession est la remise en place d'un conseil de discipline ainsi que l'instauration d'un programme de formation en promettant organiser pas moins de 18 stages de formation. Tout comme l'instauration de la transparence dans la gestion des caisses du bâtonnat. À ce titre, il a indiqué avoir interdit toute transaction en liquide. Les transactions passent obligatoirement par la banque et sont mises sous le contrôle d'un commissaire aux comptes. Le président du bâtonnat a aussi pris position dans le débat de l'heure, à savoir la révision du code de la famille. Tout en se disant pour les amendements apportés au code de la famille — pas d'une manière tranchée, il est vrai — M. Sellini a préconisé d'extraire le dossier du débat politique. “Les lois ne sont pas le Coran. Les amendements apportés au code de la famille sont en accord avec les exigences de notre époque et même avec nos coutumes. Il faut être de son temps car on ne peut pas vivre en autarcie. Certes, ces amendements ne sont pas une exigence. Mais, ils sont bénéfiques. En outre, je crois qu'il faut éloigner cette question du débat politique en l'abordant du seul prisme juridique. Il y a donc lieu de laisser la chose aux seuls fouqaha et juristes. Instaurer par exemple une chambre de conseil pour trouver un juste équilibre entre les droits de la femme et ceux de l'homme”, explique-t-il. Concernant l'incarcération de Mohamed Benchicou, M. Sellini a préféré donner “un avis personnel”. Et comme tout bon avocat, il préfère voir les gens libres qu'emprisonnés. Il dit pouvoir faire siens les arguments de la défense tout comme ceux de la partie civile. “Tout est question de discussion. Mais le combat de la défense continue. Pour moi, l'emprisonnement d'un avocat ou d'un directeur de journal ne sert pas du tout le pays”. En abordant certaines dispositions du code de procédures civiles, dont l'article 226 qui confère au juge la latitude de traduire et d'inculper un avocat, M. Sellini n'a pas mâché ses mots en les qualifiant de “scélérates” et de “liberticides”. “Certainement que de telles dispositions sont inspirées par des magistrats parquetiers qui ont des penchants pour la répression. Mais, ils sont contraires à la Constitution, aux traités et conventions internationales ratifiés par l'Algérie. Je ne pense pas qu'un tel texte sera accepté en Conseil de gouvernement. Nous avons protesté énergiquement auprès du garde des Sceaux. Il nous a promis de tout faire pour retirer ces dispositions. Mais, s'il est adopté on aurait alors fait un retour en arrière terrible”. Pour ce qui est du statut de l'avocat, Me Sellini a indiqué que son bâtonnat est à mi-chemin du travail, et qu'une réunion avec une commission ministérielle se tiendra dans une quinzaine de jours et au plus tard après le ramadhan. A. C.