L'universitaire et analyste espagnol à l'Institut royal Elcano de Madrid se prête à l'analyse des conséquences de la réélection de Georges W. Bush. Liberté : Les Etats-Unis d'Amérique viennent de reconduire Bush à la Maison-Blanche. Quelles sont les répercussions immédiates de cette réélection dans le monde ? Carlos Ruiz Miguel : Je pense qu'il y aura une intensification de la lutte contre le terrorisme intégriste. L'Administration Bush fera plus de pression pour sortir triomphante de l'enjeu irakien. Elle exercera une plus grande pression sur beaucoup de pays pour les contraindre à envoyer des soldats, sécuriser l'Irak et organiser des élections, comme cela a été le cas en Afghanistan. Faut-il s'attendre, selon vous, à des changements dans les rapports entre l'Administration Bush et l'Union européenne ? Oui, je crois qu'il y aura un changement en Europe. Les pays alliés de Washington, qui sont majoritaires dans l'Union européenne, exception faite notamment de la France, de l'Allemagne et maintenant de l'Espagne, tenteront de se rapprocher des USA. Il est vraisemblable que l'Allemagne s'alignera sur les Etats-Unis, pour ne pas perdre son influence en Europe centrale et en Europe de l'Est, qui est fermement alliée des Américains. Le président Yasser Arafat se trouverait dans un état comateux. D'aucuns avancent même l'idée de son décès. Comment entrevoyez-vous l'avenir des relations palestino-israéliennes et des relations entre Bush et l'Autorité palestinienne dans l'après-Arafat ? Il n'y a aucun doute que Yasser Arafat représentait l'obstacle majeur pour parvenir à un accord palestino-israélien. L'échec de l'accord parrainé par l'ancien président américain, Bill Clinton, a été provoqué par Arafat en personne. Dans l'après-Arafat, je pense que la solution sera du domaine du possible, même si les choses seraient difficiles. À mon avis, la “feuille de route” aura une nouvelle chance d'être implémentée. Mais cela ne sera possible que si les intégristes ne prennent pas le pouvoir et si les Palestiniens “libéraux” sont les plus forts. Mais il existe une autre éventualité, celle d'une Gaza “intégriste” en opposition à une Cisjordanie “libérale”, plus disposée à signer un accord avec les Israéliens. Mais, c'est l'incertitude… Les USA avaient promis, avant la réélection de Bush, l'organisation d'élections en Irak et le retrait de leurs troupes de ce pays. Est-il dans l'intérêt de Bush de normaliser la situation en Irak et de mettre un terme à l'occupation ? Oui, je crois vraiment que les Américains ont intérêt à normaliser et à sécuriser l'Irak. Les USA voudront qu'un grand nombre de pays collaborent dans cette normalisation. C'est un enjeu extrêmement important. Toutes les collaborations seront les bienvenues... et tous les rejets de collaborer, comme c'est le cas de l'Espagne socialiste, seront sanctionnés. Pour les Américains, la normalisation de l'Irak, après la stabilisation de l'Afghanistan, est la clé pour le projet du “Grand Moyen-Orient”. Le Conseil de sécurité de l'ONU a réitéré récemment son appui à la résolution 1495, portant sur le plan de paix pour un référendum du peuple du Sahara occidental. Les Etats-Unis, dont le Congress soutient toujours l'initiative de l'ancien secrétaire d'état, vont-ils s'impliquer cette fois pour l'application du plan Baker ? Je crois que la position de l'Administration Bush ne changera pas à ce sujet. Les Etats-Unis, par principe, ne reconnaissent pas l'annexion du Sahara occidental par le Maroc et il me semble qu'ils ne changeront pas de position. Jusqu'à maintenant, Bush a refusé l'application du chapitre VII de la Charte des Nations unies, pour résoudre le conflit saharien, et ce, malgré la requête de James Baker, un politique républicain pourtant très influent. Les USA n'ont pas de raison de changer d'attitude pour le moment. Mais les données pourraient changer dans deux cas, si la guerre reprend au Sahara occidental ou... si l'Espagne et la France essaient de recoloniser économiquement ce territoire, ce qu'elles font d'ailleurs maintenant. Après l'adoption récente de la résolution 1570 par le Conseil de sécurité des Nations unies, l'enjeu est d'amener l'ONU à être plus que le garant du cessez-le-feu. H. A.