Cette réunion regroupant les pays des deux rives traitera de trois thèmes fondamentaux pour la stabilité de la région : les migrations, l'intégration maghrébine et la sécurité. La rencontre des 5+5, qui se déroulera du 23 au 24 novembre à Oran et qui regroupera les ministres des Affaires étrangères des 5 pays du Maghreb et de la Méditerranée occidentale, aura pour ordre du jour trois thèmes : intégration maghrébine et relations économiques en Méditerranée occidentale, sécurité et stabilité en Méditerranée occidentale et enfin migration et mouvement humain. Les travaux, qui se dérouleront en grande partie à huis clos, seront dominés une fois encore par les questions de terrorisme et d'immigration clandestine qui constituent depuis des années la préoccupation majeure des pays européens de la rive sud. Les attentats meurtriers de Madrid et l'horreur des cadavres échoués sur les côtes espagnoles ou italiennes de ces malheureux candidats à l'immigration clandestine, sont des images qui hantent les gouvernants de la Méditerranée occidentale et qui plus font très souvent la corrélation entre les deux phénomènes. Jusqu'ici, les politiques européennes mises en place pour lutter ou contrôler l'immigration clandestine, surtout à partir des côtes du Maghreb, a été une approche essentiellement sécuritaire autoritaire voire même criminalisant un problème qui a une dimension à l'origine sociale. Au sein du groupe des 5+5, les pays maghrébins ont été “amenés” à mettre en place également des dispositifs de contrôle et de répression en direction de tous ceux qui sont pris au cours de leur tentative de traverser la Méditerranée “illégalement”. Depuis peu, ces pays (les 5+5) avec des fortunes diverses tentent de s'attaquer plus précisément aux réseaux des passeurs devenus une véritable mafia spécialisée dans ce qu'il convient de désigner comme un trafic d'êtres humains. Dans ce drame humain qu'est l'immigration clandestine, l'Algérie reste avant tout un pays de passage, une halte, pour les immigrés clandestins ; durant l'année 2003, plus de 800 d'entre eux, originaires de l'Afrique subsaharienne ont été expulsés de notre pays, alors que les côtes nord du Maroc jusqu'à Kenitra représentent les rives les plus fréquentées par les passeurs et les immigrés du fait de la proximité des côtes espagnoles à une douzaine de kilomètres seulement. La Tunisie et la Libye ne sont pas exemptées dans ce domaine. En septembre 2004, 24 immigrés partis de Libye font naufrage, 4 d'entre eux meurent ; en juin 2004, au large des côtes tunisiennes, 6 clandestins meurent, seuls 4 rescapés seront sauvés, et la litanie des morts se poursuit quasiment chaque jour dans la Méditerranée. Dès lors, la tentation des 5 pays de la Méditerranée occidentale de faire de leurs côtes des forteresses imprenables, avec des dispositifs quasi-militaires pour repousser les embarcations “les pateras” comme l'on dit, chargées de candidats à une vie meilleure, ainsi que les dispositifs judiciaires, ont atteint leur limite et montré en fait leur inefficacité face à ces hommes et ces femmes que même le spectre de la mort n'a pas dissuadé de tenter la traversée sur des embarcations de fortune. La dernière proposition en matière de lutte contre cette immigration clandestine de créer des centres de rétention dans les pays d'origine pour gérer le flux des immigrés et ainsi mieux les “filtrer” ne fait pas l'unanimité et au contraire renseigne, on ne peut mieux, sur les objectifs assignés à cette mesure. En fait, derrière les discours sécuritaires, c'est là une remise en cause du principe de la libre circulation des personnes inscrit notamment dans la zone de libre-échange en construction. Une zone de libre-échange pour les biens et les produits et non pas pour les hommes à l'évidence. Autour des différentes rencontres d'évaluation des 5+5, des voix se sont élevées pour dire que la meilleure lutte contre le phénomène de l'immigration clandestine est de s'attaquer à ses causes qui sont immuablement la misère, le chômage, les conflits interethniques et l'absence totale de perspectives dans leur pays d'origine. L'approche sécuritaire et criminelle ne dissuade pas les candidats à une vie meilleure, une vie décente en Europe. Certains des immigrés clandestins vous avouent être prêts à tenter leur chance dans ces traversées de la mort autant de fois qu'ils le pourront. Dès lors, le débat devrait porter sur les politiques à mettre en place, dans les régions où sont originaires les candidats à l'immigration clandestine, autour de programmes d'aide au développement tournés vers les populations les plus démunies et les plus défavorisées. Mais des programmes qui s'appuient sur des modèles de développement locaux et non ceux des pays développés. F. B.