L'inauguration, lundi dernier, de l'usine Renault de Oued Tlélat, dans la wilaya d'Oran, pourrait constituer un déclic en matière d'investissement dans le secteur industriel. Cette plateforme de production (25 000 unités dans une première phase), réalisée dans un délai relativement court, a été présentée lors de la conférence sur le développement économique et social tenue la semaine dernière à Club des pins, Alger. Le P-DG de Renault Algérie Production, Bernard Sonilhac, était de cette rencontre. Il a qualifié de "projet modèle" et de "moteur" l'usine Renault d'Oran dans la transformation de l'environnement des affaires en Algérie pour devenir "plus attractif" aux investisseurs. Optimisme démesuré ? Mokretar Karroubi, expert financier international, estime, lui, qu'on ne peut pas apprécier une chaîne d'assemblage qui vient de démarrer. Que le véhicule sorti de cette usine fasse ses preuves, que l'on ait une idée précise sur le rapport qualité-prix. Et à la lumière de tout cela, l'on peut opportunément en faire une évaluation objective, dit-il. Au-delà de ce projet dans la filière mécanique, Karroubi noircit le tableau quand il évoque le climat des affaires et le "package" de lois qui sous-tend l'investissement, tous secteurs confondus, en Algérie. Le spécialiste de la finance est critique vis-à-vis du 49/51, de la manière dont fonctionnent aujourd'hui les entreprises publiques économiques. Et de l'allocation de la ressource. Pour lui, il est difficile de faire émerger des branches jugées intéressantes dans un environnement sclérosé, rébarbatif, fait de lourdeurs, de bureaucratie, et où les entreprises ne peuvent pas s'endetter à l'étranger. Cela fait, en fait, que l'investissent est en rupture de pente, dans un monde en permanente métamorphose. Il le restera ? Un investissement condamné à l'avance ? Je ne vais pas jusqu'à dire que l'horizon est complètement bouché en l'espèce mais il est impérieusement nécessaire de changer de cap de rendre attractif notre environnement, notre climat des affaires, pour faire redécoller l'investissement. L'amélioration du climat des investissements, le gouvernement en a fait une priorité dans sa politique économique. Et elle a fait l'objet de large débat à la faveur de la conférence sur le développement économique et social. Sur le papier, il est question, si l'on s'en tient "au bon paquet", de recommandations rendues publiques au terme de cette réunion, d'œuvrer à l'instauration d'un environnement d'entreprise stable et sûr, en assurant notamment la continuité des politiques développées, la réduction de la fréquence et de l'imprévisibilité des changements législatifs et règlementaires, la stabilité macroéconomique et l'élimination des règlementations arbitraires. Tout ce toilettage doit servir l'entreprise et seulement l'entreprise, car elle occupe une place centrale dans le processus de développement. Et elle constitue la source essentielle de production des biens et services et de création d'emplois, participant pour une grande part au financement de l'action des pouvoirs publics, à travers les prélèvements fiscaux dont elle fait l'objet. C'est cela l'entreprise. Quid de ceux qui vont la diriger ? Dans la nouvelle réorganisation du secteur public marchand, un concept nouveau est évoqué, celui de l'autonomie des entreprises. L'autonomie dont il s'agit va concerner la "gestion" des entreprises publiques économiques (EPE), et mettra fin à "l'intermédiation" qui existe aujourd'hui entre elles et l'Etat qui en est l'actionnaire principal. Et, éléments nouveaux dans cette restructurions qui se dessine, les conseils d'administration des EPE seront désormais constitués de "banquiers" et "d'experts" ; les gestionnaires des EPE seront tenus par des "contrats de performance" et bénéficieront d'une "bonne rémunération". Mokretar Karroubi estime à ce sujet que les EPE souffrent actuellement d'un problème de management et qu'elles ne se sentent pas redevables, ne disposant pas de suffisamment de moyens pour réagir et réfléchir sur certains nombre de questions comme l'investissement. Selon lui, les gestionnaires sont dans une posture de "fonctionnariat", et la pénalisation de l'acte de gestion y est pour beaucoup. Tout cela doit changer si l'on veut relancer l'investissement, recommande-t-il. La ligne de conduite à forte dose libérale est simple, elle ne vaut que par son application et dont il faut tenir le bon bout : "Laissez les gens faire, ne les obligez pas à aller dans une direction ou dans une autre. Au bout de trois ou quatre ans, des secteurs où on a investi, vont émerger", a-t-il résumé. Y. S.