Les marges de manœuvre de l'Exécutif seront en 2015 plus étroites, au plan budgétaire, si la chute des prix du pétrole se poursuit l'an prochain. Si les prix du pétrole restent autour de 80 dollars, l'année 2015 sera difficile pour l'Algérie. On estime à au moins 10 milliards de dollars US, les pertes en termes de recettes hydrocarbures, si ce cycle baissier se poursuit l'an prochain. Dans ce scénario, l'Algérie engrangerait environ 50 milliards de dollars en 2015 de recettes en devises tirées des exportations d'hydrocarbures, soit une baisse de 20% de ses entrées en devises. Alors que les importations de biens et services du pays dépassent déjà les 60 milliards de dollars. Cela veut dire que l'an prochain, l'Algérie va enregistrer un important déficit de sa balance des paiements. En d'autres termes, elle sera contrainte de puiser dans ses réserves de changes. "Mais le problème de l'Algérie, ce n'est pas sa balance des paiements mais son budget", nous explique un spécialiste financier. En clair, l'Algérie dispose d'un amortisseur face aux chocs pétroliers. Le niveau de ses réserves en devises lui permet de financer trois ans d'importations de marchandises. La question se posera en fait avec plus d'acuité dans trois à cinq ans. Au chapitre budget, ses marges de manœuvre sont cependant plus étroites. Autour de 80 dollars le prix du baril de pétrole, elle va piocher plus profondément dans la caisse de régulation pour effacer le trou budgétaire. Du coup, le Fonds de régulation prévu pour amortir les chocs extérieurs et surtout institué comme épargne pour les générations futures sera fortement sollicité. Son niveau est de 5 000 milliards de dinars actuellement. Avec cet important déficit du budget de l'Etat, il risque de s'épuiser en peu de temps. Le spectre des coupes budgétaires : une baisse de 20% des dépenses ? Face à ces menaces, les pouvoirs publics sont plus optimistes. "Cela n'aura pas d'impact en 2014. Le prix moyen du baril algérien s'établira à 100 dollars l'année en cours", avait déclaré le ministre des Finances à l'APN. Mais pour un expert, on atteindra moins de 60 milliards de recettes tirées des exportations d'hydrocarbures en 2014. N'oublions pas que la baisse des prix du pétrole a commencé en juin 2014, a-t-il argué. Tout un semestre. Paradoxalement, les prévisions du ministère des Finances sont très optimistes concernant l'évolution des prix du pétrole : "Le prix moyen du baril de pétrole Saharan Blend a été estimé en 2015 à 100 dollars. Ce niveau de prix est déterminé selon la démarche qui le situe dans un intervalle compris entre 110 dollars observé au cours du premier semestre 2014 et 98 dollars correspondant au prix moyen des trois bruts (Brent, Dubaï et WTI) selon les prévisions des institutions financières et des organisations spécialisées", lit-on dans la note de présentation de la loi de finances 2015. Des experts pétroliers, eux, anticipent la poursuite de cette baisse des prix du pétrole en 2015. En somme, d'épais nuages s'annoncent en 2015 et non en 2014. Pour l'instant, le gouvernement ne semble pas avoir de plan B pour rétablir les équilibres financiers de l'Etat. Il n'est pas question, aujourd'hui, de revoir la politique de dépenses de l'Etat. Mais l'Exécutif sera sans doute contraint de revoir sa copie le premier semestre, voire le second semestre 2015, si la baisse des prix du pétrole se poursuit au cours des six prochains mois. On peut penser que l'Exécutif pourrait annoncer une loi de finances complémentaire avec sans doute des coupes budgétaires ."La baisse des dépenses budgétaires pourrait être de 20%. Mais il faut un travail de sensibilisation en direction de la population pour obtenir leur adhésion, avoir leur confiance", estime Chemseddine Chitour, expert pétrolier. Cette histoire de coupes budgétaires est très sensible. Faut-il dans ces coupes budgétaires réduire le train de vie de l'Etat, les dépenses sécuritaires ou opérer des coupes dans les subventions des produits alimentaires ou des produits énergétiques ? Dans les deux options, on voit mal le gouvernement rationaliser ses dépenses. La troisième solution est mal acceptée socialement. Imaginez la réaction de la rue si on augmente le prix de la baguette de pain ou du sachet de lait, en raison de la suppression des subventions. L'autre remède est la compression de nos importations de marchandises. Elles atteindront, en 2015, 65 milliards de dollars selon les prévisions du ministère des Finances. Un niveau insoutenable. Réduire les importations de biens de moindre importance ou superflues est préconisé dans ce genre de situation. En tout état de cause, l'Algérie pourrait entrer dans la zone de turbulences l'an prochain avec une potentielle détérioration du climat social, si se poursuit ce déphasage entre l'évolution à la baisse des prix du pétrole et la réaction de nos gouvernants. Une instabilité sociale qui pourrait se prolonger faute d'une politique économique centrée sur les modalités de croissance de nos revenus hors hydrocarbures. K. R.