Les chiffres sont, sans doute, probablement bien plus élevés dans la réalité. Les victimes des violences sexuelles sont peu protégées et l'absence de statistiques est la preuve que les personnes agressées sont livrées à elles-mêmes, c'est du moins ce que révèle un rapport d'Amnesty International rendu public, lors d'une conférence de presse tenue, hier, à Alger. La présidente de l'ONG, Hassina Oussedik, a déploré l'absence de chiffres sur ce phénomène. "Il n'existe pas de statistiques exhaustives sur l'ampleur de la violence sexuelle et de la violence liée au genre en Algérie. Mais d'après une grande étude sur la violence à l'encontre des femmes en Algérie, conduite par l'Institut national de santé publique (INSP) et publiée en 2005, 5,4 % des violences perpétrées à l'égard des femmes étaient de nature sexuelle", regrette-t-elle. Selon la présidente de l'ONG, souvent, les victimes de violences sexuelles ne dénoncent pas les abus dont elles sont victimes en raison de la stigmatisation associée au viol et aux autres formes de violences. Les chiffres sont, sans doute, probablement bien plus élevés dans la réalité. Des données récentes communiquées par la Police judiciaire, et dont les médias se sont fait l'écho, indiquent que durant les neuf premiers mois de 2013, 266 des 7 010 plaintes déposées concernaient des violences sexuelles, notamment des cas de viol, de harcèlement sexuel et d'inceste. La commissaire divisionnaire à la direction de la Police judiciaire chargée de la protection des femmes et des enfants victimes de violences avait déclaré que le véritable chiffre était probablement plus important étant donné le tabou qui pèse sur ce problème. Les violences sexuelles ne sont pas toujours signalées, en particulier dans les sociétés traditionnelles et patriarcales où la femme représente l'honneur de la famille et où les violences sexuelles contre les femmes sont considérées comme une humiliation pour les hommes de la famille. Selon Balsam, un réseau national de centres d'écoute qui aident les femmes victimes de violences, sur les 29 532 cas de violences contre des femmes dont l'organisation a été informée en 2013, 4 116 concernaient des violences sexuelles, soit environ 14,3 %. Nada, une organisation non gouvernementale de défense des droits des enfants, a également signalé une augmentation de la violence sexuelle à l'égard des enfants, notamment l'inceste, dont sont victimes garçons et filles. "Aujourd'hui (hier, ndlr) est la Journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes. Après 10 ans de combat, Amnesty International doit mener une campagne pour sensibiliser sur la question, car les agressions sexuelles n'ont pas baissé", déplore encore la présidente de l'ONG. Selon la responsable de l'association, les efforts déployés par le gouvernement pour faire face à ce phénomène sont louables, mais restent insuffisants. "Les autorités algériennes ont pris cette année des mesures positives, attendues depuis longtemps, en faveur de victimes de violences sexuelles et violences liées au genre. Elles ont notamment adopté le décret 14-26, qui prévoit d'indemniser les femmes victimes de viols perpétrés par les groupes armés pendant le conflit interne qui a ravagé l'Algérie pendant les années 90. À la fin du mois de juin, elles ont aussi annoncé des projets de loi pour renforcer la protection des femmes face aux violences. Si de tels projets sont adoptés, ils élèveraient en infractions pénales la violence physique à l'encontre d'un conjoint et le harcèlement sexuel dans des lieux publics", a indiqué M. Oussedik. Mais la responsable reconnaît que cela reste insuffisant dès lors que le décret 14-26 n'envisage qu'une indemnisation financière pour les victimes de viols pendant le conflit des années 1990, sans évoquer leur droit à une réparation pleine et effective. Les projets de loi annoncés en juin reconnaissent, certes, le problème de la violence conjugale à laquelle de nombreuses femmes en Algérie sont confrontées, mais ils contiennent une clause prévoyant l'arrêt des poursuites judiciaires en cas de pardon de la victime. De plus, l'article 326 du code pénal permet à l'auteur d'un viol d'échapper aux poursuites s'il épouse sa victime. L'avortement pour les femmes et les jeunes filles enceintes des suites de viol ou d'inceste n'est pas expressément autorisé. D. S.