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L'avenir de la spécialité menacé par des querelles de pouvoir
Psychiatrie infanto-juvénile en Algérie
Publié dans Liberté le 16 - 12 - 2014

La polémique autour du service de pédopsychiatrie de Chéraga n'est pas le fait du hasard. Elle est symptomatique du climat délétère qui prévaut, depuis plusieurs années, dans le monde de la psychiatrie de notre pays. Des conflits de personnes, de vaines rivalités et une course effrénée au pouvoir qui empoisonnent notre environnement professionnel. Des querelles qui sont loin du débat d'idées et de la confrontation des savoirs. Une guerre des chefs, feutrée, stérilisante et qui a occasionné des dégâts considérables, notamment sur le plan scientifique et dans la progression des carrières. Faut-il souligner que de nombreux psychiatres – pour ne pas avoir pris partie – ont été victimes de ces discordes ? "Tu n'es pas avec moi, donc tu es contre moi." Difficile de garder sa neutralité ! Les représailles ont souvent été féroces. Prétendre à un sujet de thèse devient impossible, arriver à la soutenance est un parcours du combattant, et passer l'épreuve avec succès dépend toujours de l'humeur ou des rancœurs de l'un ou de l'autre. Des entraves aux carrières qui ont pour seul objectif la soumission et l'allégeance au chef... pour que ce dernier étende son pouvoir et agrandisse son influence sur les territoires. Certains psychiatres – de jeunes loups aux dents longues – réussissent toutefois à rapidement progresser et à garantir, à leur carrière, une ascension fulgurante. Non pas parce que ceux-ci détiennent de compétences scientifiques particulières mais parce qu'ils ont fait le choix de l'obéissance. Une stratégie opérante qui les amène à leur tour aux portes du pouvoir. C'est ainsi que des thèses de piètre qualité sont confectionnées à la hâte et que des soutenances expéditives sont organisées à leur intention, avec des jurys complaisants. Des petits chefs en devenir.
Cette situation – qui n'est pas spécifique à la psychiatrie, loin s'en faut – a grandement contribué à la dégradation du niveau des connaissances scientifiques. La qualité des thèses s'est détériorée pendant que les prétendants aux différents grades universitaires se sont progressivement accommodés de l'indigence de leurs travaux de recherche. Aujourd'hui, des psychiatres pressés d'arriver – à l'instar de leurs confrères des autres spécialités – ne s'embarrassent plus des valeurs du travail et du mérite. Ils s'octroient des titres qu'ils n'ont pas. Celui de professeur de médecine est "de mode", il est un objectif. Beaucoup se l'attribuent avant même de l'avoir obtenu. Il faut dire que nos facultés l'offrent, avec légèreté, à des personnes qui n'ont jamais fait de recherche ou dirigé des travaux. Nombreux sont les titulaires de ce titre – des chefs de service et des enseignants – à n'avoir jamais publié. Ni dans des forums internationaux reconnus, ni dans des revues spécialisées sérieuses, indexées. Professeur... un contenant sans contenu, un titre galvaudé, dont l'usage dans notre pays est plus qu'abusif. Dès le lendemain d'une soutenance de thèse, le sujet s'empresse de confectionner des cartes de visite et une griffe portant la mention de professeur. Tout avait été préparé durant les jours ayant précédé l'examen. Un empressement immodéré à endosser le grade, mais une molle lenteur quand il s'agit de se mettre au travail, d'écrire, de publier. Certaines de ces personnes, incapables de dispenser un cours aux étudiants, sont membres des comités pédagogiques régional ou national, quand ils n'en sont pas président. Bien entendu, mon intention n'est pas de jeter le discrédit sur tous les professeurs en médecine. J'ai conscience que nos facultés ont, par le passé, assuré des formations d'excellente qualité. Mais c'était le passé. Cette "boulimie" du pouvoir et des titres ne s'arrête pas là. La convoitise concerne déjà – avant qu'il ne soit instauré – celui (le titre) de professeur émérite. De rudes empoignades auraient, semble-t-il, eu lieu pour l'obtention de cette honorable distinction. Des comportements qui violent la morale, une mystification validée par une université qui n'est pas regardante sur les grades qu'elle accorde aux postulants. Même le conseil national de l'ordre des médecins est resté muet à ce sujet. Pourtant il est dans ses attributions de se prononcer sur les diplômes et les qualifications.
Une réalité qui concerne malheureusement toutes les facultés. Un fait notoire qui ne semble pas déranger outre mesure le ministère de l'Enseignement supérieur. C'est dans ces conditions favorables, ce terreau fertile, qu'ont fleuri et que se sont épanouis les copier-coller, les plagiats et autres forfaits qui émaillent régulièrement la vie de l'université algérienne. Cette respectable institution, chacun a pu en faire le constat, a répudié l'intelligence et le travail, le mérite et l'exemplarité pour nourrir en son sein la ruse, la fraude et l'imposture, les "valeurs nouvelles" qui conduisent droit vers l'ascenseur du pouvoir.
Voilà pourquoi des psychiatres ont accepté de soumettre, de sacrifier leur souveraineté intellectuelle et morale et leur liberté. Ils se sont engouffrés dans des conflits qui ne les regardaient pas et dans des rivalités qu'ils ont quelquefois activement reproduits et contribué à renforcer. Sauf qu'aujourd'hui, avec cette polémique autour du service de pédopsychiatrie de Chéraga, ce n'est plus seulement la transmission du savoir et de la connaissance – la qualité de l'enseignement – qui en est affectée, ce sont nos patients – des enfants – qui sont pris en otages. Un fait inadmissible, condamnable, une situation affligeante.
Chacun a sa part de responsabilité dans ce qui est arrivé. Chacun doit l'assumer et ne plus taire ce qui se passe présentement est - de mon point de vue - un devoir moral, une exigence patriotique. C'est pourquoi, j'ai signé et fait signer la pétition qui dénonce ce qui s'est produit avec le service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de l'EHS Mahfoud-Boucebci de Chéraga. Ma position aurait été la même si ce dévolu avait été jeté sur le service de pédopsychiatrie de Constantine, de Blida, de Annaba ou encore de Tizi Ouzou. Je sais que ça ne plaira pas et que cet écrit suscitera quelque animosité à mon égard. Mais c'est pour une bonne cause, la pédopsychiatrie mérite bien ce sacrifice. Je m'en serai voulu de n'avoir rien fait. "Ne craignez jamais de vous faire des ennemis; si vous n'en avez, c'est que vous n'avez rien fait". Je fais mienne cette profession de Georges Clémenceau.
Je prends position mais je ne prends pas parti. Je ne prends fait et cause pour personne et je ne suis pas contre des individus. Mon confrère impliqué dans cette controverse peut être assuré que la manifestation de mon opinion ne remet en aucun cas sa personne. Mais il est de mon devoir de m'insurger contre le système qui a rendu possible ce que je considère être une forfaiture et je dénonce la complicité des responsables - des pouvoirs publics notamment - qui ont, par leur ignorance des enjeux réels du problème ou par leur incurie, contribué à mettre en place les conditions propices à cette situation.
Grâce à un arrêté de création (septembre 2013), la pédopsychiatrie est devenue une discipline à part entière, avec son diplôme, et les postes de chefferie de services soumis à concours sont inscrits par la réglementation dans une rubrique différente de ceux de la psychiatrie adulte. Par ailleurs, le candidat à un poste de chefferie de service doit justifier - c'est ce que stipule la circulaire du 27 janvier 2014 - de son appartenance à la spécialité pour laquelle il prétend. La psychiatrie infanto-juvénile - qui est, sous tous les cieux, une spécialité complémentaire du cursus de psychiatrie - requiert une compétence spécifique. Les confrères qui se sont investis dans cette mission ont acquis cette compétence par l'expérience sur le terrain et par les nombreuses formations qui leur ont été régulièrement dispensées. Une qualification reconnue puisque l'enseignement de la discipline aux résidents leur a été confiée. Dès lors, comment a-t-il été possible qu'un psychiatre d'adulte prenne option pour un service de psychiatrie de l'enfant ? Sans doute, dans cette affaire, la légalité a été foulée aux pieds.
Je réagis aussi parce que mon intime conviction est que les motivations qui ont amené à une telle situation ne sont pas l'expression de la volonté de promouvoir la pédopsychiatrie dans notre pays. Prendre possession du service de psychiatrie infanto-juvénile de Chéraga a obéi à des desseins difficiles à cacher. Une mainmise qui traduit la volonté, peut-être la seule d'ailleurs, d'une partie de mettre le pied dans le territoire de l'autre partie. Le service de pédopsychiatrie en est le cheval de Troie. Un alibi pour être dans la place, une conquête hautement symbolique... en attendant d'aller plus loin. La politique du coucou, cet oiseau qui va pondre son œuf dans le nid voisin. A l'éclosion le poussin coucou se débarrasse des petits de ses hôtes pour profiter seul de la nourriture apportée par ses parents adoptifs. C'est, je crois, ce regard qu'il faut porter sur cet événement. La polémique autour du service de pédopsychiatrie de Chéraga est l'arbre qui ne cache plus la forêt. Elle est révélatrice - je le soulignais au début de ce propos - du climat délétère insupportable que subissent, depuis presque toujours, les psychiatres de notre pays. Une lutte insidieuse pour le pouvoir qui met aujourd'hui au centre des convoitises cette spécialité naissante qu'est la psychiatrie infanto-juvénile. Ce qui est d'autant plus révoltant.
Les pédopsychiatres qui se sont investis dans cette mission voient dans l'attitude des pouvoirs publics un recul, une menace et une mise à mort annoncée de leur spécialité. Pour avoir entériné une démarche illégale, les responsables qui ont permis ce forfait ont mis en danger cette discipline. Les pédopsychiatres ont raison, leurs craintes sont justifiées et on ne peut que les partager. Cependant, il faut bien reconnaître que là n'est pas le souci du ministère de la Santé ou de celui de l'Enseignement supérieur. Quand aux protagonistes - les grands et les petits chefs engagés dans ces conflits -, pour l'heure, l'avenir de cette discipline est pour eux un détail. La conquête de cette chefferie de service est une glorieuse victoire pour les uns et une cuisante défaite pour les autres. Seule, de mon point de vue, cette considération entre en ligne de compte. Pour autant, la pédopsychiatrie ne doit être ni le bouc émissaire ni la victime expiatoire à sacrifier sur l'autel de ces querelles de pouvoir. C'est pourquoi les psychiatres de ce pays ont le devoir de ne plus laisser faire.
M. D.
Psychiatre, docteur en sciences biomédicales.


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