Des voix s'élèvent pour appeler au sauvetage de la pédopsychiatrie en Algérie. Une spécialité qui vient pourtant d'être reconnue officiellement comme une discipline universitaire à part entière par un arrêté ministériel en 2013, après de longues années de travail et de combat par des psychiatres reconvertis en pédopsychiatres après des formations spécifiques. Ils ont donc exigé un statut au même titre que toutes les spécialités médicales issues d'un cursus spécialisé. Une première promotion est donc en pleine formation dans les différents services, à savoir Alger, Constantine et Blida. Pour le Pr Idris Terranti, chef de service en pédopsychiatrie à l'hôpital de Constantine, la pédopsychiatrie est une discipline extrêmement vaste et se développe en plusieurs sous-spécialités (psychiatrie du nouveau-né et du nourrisson, première et deuxième enfance, santé mentale de l'adolescent, les troubles du développement, la psychiatrie médico-légale chez l'enfant, etc. Ce qui nécessite, selon lui, des formations supplémentaires au diplôme de psychiatrie. «La pédopsychiatrie demande une formation et une pratique», a-t-il indiqué en précisant que la prise en charge des enfants exige une formation adaptée, car la pratique en pédopsychiatrie est différente en psychiatrie adulte. «La pédopsychiatrie existe effectivement depuis des années en Algérie ; qu'elle soit marginalisée ou délaissée, peu importe, il faut dire qu'elle n'avait pas un statut de rang magistral en tant que discipline. Les spécialistes en pédopsychiatrie ont toujours fait valoir leur progression universitaire en tant que psychiatres d'abord, parce qu'ils sont diplômés en psychiatrie. La condition d'accès au concours de chefferie de service exigeant des candidats de justifier l'appartenance à la spécialité du poste auquel ils postulent est bien sûre claire. Il s'agit de justifier qu'ils sont d'abord psychiatres pour postuler, car elle constitue la discipline officielle pour la santé mentale d'une manière générale pour le moment en attendant la sortie dans les prochaines années de la première promotion de pédopsychiatres», explique un membre du jury ayant participé à l'évaluation des candidats lors du dernier concours d'accès au poste de chef de service. L'appel à sauver la spécialité est donc intervenu il y a quelques mois suite à la nomination d'un professeur en psychiatrie au service de pédopsychiatrie de l'hôpital de psychiatrie pour enfants à Chéraga, après avoir passé le concours en mai dernier et classé sur la liste des psychiatres admis. Une contestation des pédopsychiatres et psychiatres à l'hôpital de Chéraga a pris forme qui ont été soutenus par quelques collègues de Blida et de Constantine pour dénoncer le choix de ce poste qui est, selon eux, «loin de leur préoccupation, à savoir la santé mentale des enfants». «Que vient faire un psychiatre pour adultes dans un service pour enfants», s'interrogent-ils et de crier au scandale. Un fait qui compromet l'avenir de la spécialité écrivent les équipes de pédopsychiatres d'Alger, de Constantine et de Blida dans un texte remis à la presse. «Nous nous sommes battus pour que cette spécialité soit reconnue, et un arrêté ministériel a été consacré à l'officialisation de cette discipline en tant que spécialité à part entière, en date du 18 juin 2013, portant création d'un cycle de formation en vue de l'obtention du diplôme d'études médicales spécialisées en pédopsychiatrie, dont la durée de formation est de quatre années», affirment les Prs Terranti de Constantine et Metahri de Blida, qui se sont rendus à notre rédaction. La première promotion est donc en cours de formation pour l'obtention officielle du diplôme de pédopsychiatre à la faculté d'Alger. Les futurs pédopsychiatres peuvent désormais postuler au poste de professeur chef de service dans les prochaines années, au même titre que les psychiatres, contrairement à ce qui s'est passé en mai dernier où les pédopsychiatres ont été classés dans la case réservée à la psychiatrie et évalués par un jury de psychiatres. Pour nos visiteurs, le fait n'est pas là, mais plutôt dans l'avenir de la spécialité qui est aujourd'hui, selon eux, menacé. «Incompréhensible décision que de confier à un enseignant n'ayant jamais exercé dans une spécialité la responsabilité d'un service, alors que 13 services qui correspondent à son profil de formation restent sans titulaires», s'interrogent-ils encore et de signaler qu'«à travers cette nomination, on veut empêcher la pédopsychiatrie de se développer». De l'autre côté, le concerné, le Pr Tabti, psychiatre qui affirme avoir lui aussi eu une formation en pédopsychiatrie, et des documents l'attestent «dans la spécialité de psychiatrie, en l'état actuel des choses, on n'établit pas de quelconque distinction entre les praticiens exerçant aussi bien dans les services de psychiatrie de l'adulte que les services d'addictologie, de psychiatrie médico-légale et de pédopsychiatrie». Il est clair que la fronde des pédopsychiatres est certes légitime, mais il est tout aussi légitime de se demander pourquoi le pédopsychiatre qui s'est dévoué à cette spécialité dans le service de pédopsychiatrie de Chéraga défendu avec ferveur par ses confrères n'a pas postulé à ce poste pour un enseignement de qualité et une meilleure protection des enfants malades ? Au dernier concours, seuls deux candidats pédopsychiatres chefs d'unité par intérim, dont celui de l'hôpital Drid Hocine à Alger, le Pr Ould Taleb, et de l'hôpital de Constantine, le Pr Terranti, figuraient sur la liste. «L'hôpital de Chéraga, confiné durant des années dans le statut de santé publique, n'a sans doute pas permis une évolution de carrière des jeunes médecins et il n'y a pas eu d'ouverture de postes durant toutes ces années. Aujourd'hui, son statut a changé, il est devenu hospitalo-universitaire et il y a donc eu ouverture de postes», nous confie-t-on. Entre les deux parties, à savoir le ministère de la Santé et le ministère de l'Enseignement supérieur, l'administration reste pour le moment silencieuse.