Bien que confrontés à un épuisement de leurs stocks, les commerçants ont adhéré au mot d'ordre, certains par conviction, d'autres par crainte. Décidée, il y a déjà plus d'une semaine à In-Salah, la fermeture des commerces s'étend à l'ensemble du vaste territoire de la wilaya de Tamanrasset. Elle est imposée par les habitants hostiles à l'exploitation du gaz de schiste. Si certains représentants des citoyens feignent, certainement pas crainte de représailles, de soutenir que les commerçants l'auraient fait de leur propre gré pour exprimer leur solidarité avec les habitants étant leurs premiers clients, nous avons constaté de visu des groupes de jeunes sillonnant la ville pour enjoindre, non sans menace, aux récalcitrants de baisser rideau. Les commerçants, dont les stocks arrivent à épuisement, obtempèrent toujours sans résistance aucune. L'approvisionnement des commerces est devenu très difficile depuis le 1er janvier, premier jour du soulèvement populaire contre l'exploitation du gaz de schiste à In-Salah presque au milieu du principal axe routier reliant le nord du pays au chef-lieu de la wilaya de Tamanrasset. Pratiquement toutes les marchandises en provenance du Nord passent par la RN1 reliant Alger à la lointaine capitale du sud du pays (2 335 km). De fait, la paralysie provoquée par la manifestation des habitants de cette wilaya a considérablement freiné l'activité commerciale dans toute la région. Les commerçants sont tout de même "autorisés" à ouvrir à partir de 17h pour assurer le service minimum pour permettre aux habitants et aux passagers de survivre dans cette région désertique. "Nous sommes conscients de la rudesse de la vie dans notre région dont les conditions climatiques suffisent ; c'est pourquoi nous insistons pour que les commerces travaillent du moins partiellement pour permettre aux gens de faire leurs emplettes", affirme Mohamed Azzaoui, un des porte-parole des citoyens, selon lequel des pourparlers sont engagés, en coulisses, avec les autorités, en vue de trouver l'unique solution satisfaisante pour les habitants d'In-Salah, à savoir la fermeture du puits du gaz de schiste lancé dans la région d'Ahnet, à quelques dizaines de kilomètres du centre urbain. Si les habitants d'In-Salah se sont soulevés comme un seul homme contre l'exploitation du gaz de schiste, c'est surtout aux fins de "sauver" l'eau, ce liquide vital, de toute menace de pollution, voire de disparition ! Selon un ingénieur d'Etat en hydrologie qui a requis l'anonymat, les produits chimiques utilisés dans l'exploitation ou l'exploration, dont préfèrent parler à présent les autorités, menacent sérieusement la nappe phréatique. "Si le ministre de l'Energie avançait récemment que la quantité utilisée dans un puits de pétrole est plus importante que celle qu'on utilise pour un puits de gaz de schiste, il n'a pas tort ; en revanche, il n'explique pas que l'extraction du pétrole ne nécessite pas l'utilisation des produits chimiques indispensables pour la fracturation des couches géologiques pour l'extraction du gaz de schiste", a-t-il expliqué, tout en mettant en garde contre le recours à cette technique scientifiquement encore au stade de l'expérimentation, y compris aux USA. D'où, en écho à la révolte des citoyens, il refuse de servir de chair à canon dans cette opération à hauts risques. Bref, les habitants d'In-Salah et de toute la région de Tamanrasset ne comptent surtout pas baisser les bras tant qu'il n'y aura pas de décision salutaire d'arrêter ce projet déjà lancé à quelques kilomètres de leurs maisons. Il convient de signaler que contrairement aux commerces et aux institutions publiques, également toutes à l'arrêt, les élèves d'In-Salah ont, revanche, repris, hier, le chemin de l'école, après une semaine de vacances forcées. F. A.