«L'eau liquide est plus rare que l'or dans l'univers.» Hubert Reeves C'est toujours la colère sourde qui éclate au grand jour sous ses aspects multiformes. Faute de relais crédibles et de précautions dictées par la prudence par une administration dont l'autisme peut être interprété comme du mépris, les populations s'expriment par la violence: violence intercommunautaire qui consiste à rejeter la faute sur un voisin pluriséculaire, coupures de voies de communication pour protester contre un chômage endémique, siège de municipalités pour une liste d'attribution de logements suspecte.... Les motifs sont multiples et traduisent un malaise social qui risque d'enfler avec la crise. Mais cette fois c'est un motif supplémentaire à cette longue liste de sujets de mécontentement qui a fait sortir les pacifiques populations du Sud dans la rue. Il faut dire que la décision de l'exploitation du gaz de schiste avait été prise sans consultation des premiers intéressés, en l'occurrence ceux qui vivent dans le désert aride où le problème de l'eau est vital. Evidemment, l'innommable contribuable algérien n'a pas été mis au courant des effets probables qu'une telle activité aura sur la nappe phréatique qui fait tout l'intérêt du bassin de In Salah qui alimente depuis peu, comme chacun le sait, la wilaya de Tamanrasset. Espérons toutefois qu'une enquête de commodo et incommodo auprès des autochtones de la région, aura été faite après bien entendu des études poussées par des bureaux spécialisés en la matière. Il est curieux que la première déclaration officielle à ce sujet ait été faite à Kuala Lumpur, capitale de la très respectable République de Malaisie, lors d'une conférence des pays producteurs de gaz et de pétrole, où un responsable algérien a fait une annonce concernant le forage d'un premier puits de gaz de schiste. Jusqu'alors, aucun débat n'avait été mené au sein de la très respectable Assemblée nationale.. Encore que cette épineuse question avait soulevé la colère des élus locaux et avait tant pesé sur la campagne présidentielle au point que l'ancienne majorité a dû stopper bon nombre de contrats d'exploration. Mais avant de nous étendre sur les spéculations qu'un tel problème inspire, documentons-nous sur cette miraculeuse ressource qui tombe au moment même où plane la terrible menace du tarissement des ressources en hydrocarbures. Le gaz de schiste est un gaz d'origine naturelle, généré par la décomposition d'argile riche en matières organiques, et extrait à partir de terrains marneux ou argileux. Contrairement au gaz naturel, il est piégé dans les roches poreuses qui le produisent, et il est nécessaire de détruire la structure de ces roches pour pouvoir le récupérer avec de grandes quantités d'eau et de produits chimiques qui peuvent avoir un effet néfaste sur l'environnement. Il joue un rôle croissant dans l'approvisionnement en gaz aux Etats-Unis depuis le début du XXIe siècle. Le succès que rencontre ce nouveau type d'exploitation aux Etats-Unis est sous-tendu par les fortes subventions accordées et par la législation locale qui permet au propriétaire de mieux bénéficier des ressources du sous-sol qu'ailleurs. Le potentiel gazier des schistes intéresse aussi plusieurs gouvernements du Canada, d'Europe, d'Asie et d'Australie. Divers analystes s'attendent aussi à ce que le gaz de schiste puisse accroître considérablement les approvisionnements énergétiques mondiaux. Selon une étude d'un bureau d'études américain, l'augmentation de la production de gaz de schiste aux Etats-Unis et au Canada pourrait contribuer à empêcher la Russie, le Qatar et l'Iran de dicter des prix plus élevés pour le gaz qu'ils exportent vers l'Europe. Il peut être le facteur principal de la chute du prix du baril qui gêne actuellement les économies rentières. Donc, pour les pays occidentaux, c'est une volonté d'indépendance énergétique qui les pousse à recourir à cette nouvelle forme d'extraction. Cependant, des problèmes environnementaux sérieux furent constatés en Pensylvanie, premier Etat à avoir connu le premier puits de pétrole aux USA et les premiers forages de gaz de schiste. De nombreux procès ont opposé des citoyens victimes de maladies nouvelles aux sociétés de forage. Beaucoup d'entre elles ont obtenu de fortes indemnités sans que cela empêche l'exploitation de gaz de schiste. Les associations écologistes canadiennes s'appuient sur la triste expérience de la Pennsylvanie pour stopper les projets d'exploitation projetés. Pour notre pays, l'exploitation de gaz de schiste comme pour la culture des OGM, doivent faire l'objet de débats sérieux menés par des spécialistes de l'environnement indépendants de Wall Street et du lobby de la rente pétrolière. Sans les précautions d'usage, ces nouvelles formes d'exploitation peuvent avoir des effets plus néfastes que les expériences nucléaires françaises dans le Sud dont l'environnement est plus fragile qu'ailleurs.