Après le discours prononcé par le président de la République à l'ouverture du congrès de l'Organisation nationale des moudjahidine, nous vibrâmes presque d'une seule voix : “La légitimité révolutionnaire, c'est fini.” Ainsi donc, le personnel révolutionnaire qui, en 1962, s'est converti à la gestion du pays indépendant avait gardé toute sa légitimité, et sans la sentence révolutionnaire annoncée, mercredi passé par le président, ce personnel aurait encore grâce aux yeux du peuple ! On pouvait croire que le système conçu et prescrit par ce groupe avait suffisamment éprouvé les Algériens pour compromettre bien avant mercredi dernier la légalité des pouvoirs successifs qui se sont appliqués au pays. En envisageant la fin de la légitimité révolutionnaire comme préalable politique à quelque légitimité démocratique, on suggère que la première était honorée par ses détenteurs et admise par le peuple et que la seconde est en passe de la remplacer, et donc de s'imposer. Pourtant, les révolutionnaires ont été les premiers à contester, par les actes, la légitimité révolutionnaire. Un système qui s'est bâti sur l'assassinat de Abane Ramdane, en pleine révolte, et l'emprisonnement puis le bannissement de Boudiaf, à l'indépendance, ne peut se prévaloir de la légitimité révolutionnaire, mais seulement de son appropriation clanique. La preuve en est que le régime post-indépendance ne s'est stabilisé qu'après éliminations mutuelles, parfois sanglantes, et s'est maintenu au prix d'une répression politique ininterrompue. L'affiliation révolutionnaire des vainqueurs n'efface pas la légitimité révolutionnaire des vaincus et ne peut donc monopoliser la référence révolutionnaire. Que de détenteurs de la légitimité révolutionnaire qui, pourtant, ont été exclus et empêchés d'influer sur le choix d'orientation de l'Algérie indépendante ! Il n'est pas certain d'ailleurs que le système ne se soit jamais soucié de légitimité. Ce dernier étant édifié par la force et fondé sur elle, la légitimité de la répression seule était recherchée, quand celle-ci n'était pas suffisamment raffinée pour se dissimuler. Si cette légitimité pour autant qu'elle fut, pour une période, légitimante, elle fut vite dilapidée par l'arbitraire et l'avidité du sérail. Sinon comment expliquerait-on la résistance sourde et périlleuse d'élites, de citoyens et de… révolutionnaires ? Les exils politiques, le printemps de 1980, Oran 1986, Constantine 1986 et Octobre 1988 n'étaient tout de même pas des manifestations de soutien au régime. Ce qui devrait peut-être nous émouvoir, ce n'est pas la promesse de remettre la légitimité révolutionnaire au chapitre de l'Histoire, c'est plutôt de savoir qu'après avoir été tant instrumentalisée, et malgré Octobre 1988 et tant d'élections "démocratiques", elle continue encore à rendre service. M. H.