Le débat autour du gaz de schiste ne saurait se dissocier de celui relatif à la gestion de la manne pétrolière, depuis au moins deux décennies, ni de la manière, pour le moins suspecte, dont est mené le processus de l'après-pétrole. Pourquoi l'exploitation du gaz de schiste rencontre-t-elle une opposition, en Algérie ? Au-delà des nombreux appels à la prudence émanant des experts et de leurs arguments, quant aux conséquences "préjudiciables" de la production du gaz de schiste, aux plans financier et environnemental, la question renvoie à la problématique de la rente et aux visées du pouvoir algérien, en matière de distribution de cette nouvelle ressource naturelle. Autrement dit, le débat autour du gaz de schiste ne saurait se dissocier de celui relatif à la gestion de la manne pétrolière, en relation avec l'objectif de développement national durable, depuis au moins deux décennies, ni de la manière, pour le moins suspecte, dont est mené le processus de l'après-pétrole. La preuve, ces dernières années, économistes, politologues, chercheurs et hommes politiques se sont succédé pour attester que plus de cinquante années après l'Indépendance, l'économie algérienne reste fortement dépendante des hydrocarbures. Ils ont, en outre, déploré l'absence d'une véritable "économie productive et diversifiée", source de richesse et d'emploi, alors que le pays a connu une embellie des prix du pétrole, sans précédent qui, pour rappel, avait grimpé jusqu'à 150 dollars le baril. Cependant, bon nombre d'entre eux ont reconnu que la manne pétrolière, ayant longtemps caché la crise multidimensionnelle, a servi à asseoir "le coma politique" dans notre pays, en contribuant à "corrompre" des "élites politiques et entrepreneuriales" et à creuser le fossé entre riches et pauvres. D'aucuns ont rappelé l'"ambitieux" programme spécial de développement du Sud, engagé dans la moitié des années 1990, qui a fini par être abandonné par les pouvoirs publics. D'après eux, le mécontentement de la population d'In-Salah est "un rappel" des engagements de l'Etat envers cette région. D'autres, en revanche, ont évoqué la fameuse loi sur les hydrocarbures, adoptée en catimini en 2005, puis remise en cause plus tard, afin de mettre en avant les "appétits" et autres tentations de proches du clan présidentiel, dont l'ancien ministre de l'Energie. Selon eux, ceux-ci voulaient céder les richesses en hydrocarbures aux multinationales. De leur côté, les participants à la rencontre de la Confédération des cadres des finances et de la comptabilité (CCFC) ont convenu, en octobre dernier, que le pouvoir en place est "un système rentier" qui utilise la rente pétrolière pour acheter la paix sociale et pour museler la société civile. Un constat déjà établi par le chercheur Luis Martinez, il y a plus de six ans. Dans une étude consacrée à 15 pays pétroliers, dont l'Algérie, le directeur de recherche au Centre d'études et de recherche internationale de Sciences Po de Paris (France) avait souligné, en effet, que les Etats rentiers "appliquent la relation patron-client avec leur peuple, du fait que la rente n'est pas mise au service de la société", alertant sur la tentation que la rente pétrolière serve "d'instrument de puissance politique", voire de "domination des sociétés" pour les dirigeants. Avant de plaider pour le débat citoyen sur le pétrole. Plus récemment, Martinez s'est livré sur les conséquences de la rente pétrolière, dont celle qui produit "un système politique réfractaire à la démocratie". Quelles seront les conséquences de la rente du gaz de schiste ? Il est à craindre le pire. H. A.