"Les conditions d'un procès équitable n'étaient pas réunies." Hier, les avocats, membres du réseau algérien des défenseurs des droits de l'Homme, n'ont pas caché leur colère contre les conditions du procès des neuf chômeurs de Laghouat condamnés, mercredi dernier, par le tribunal de la même ville, à des peines allant de 6 à 18 mois de prison ferme. Reg Mohamed, 32 ans, arrêté le 22 janvier, a été condamné le 4 février "pour outrage à agent de la force publique", les instances judiciaires lui reprochant d'avoir "entravé une enquête de la PJ sur une affaire de vol de véhicule dans laquelle est impliqué son voisin", tandis que huit autres ont été condamnés pour "attroupement afin d'influencer des décisions de justice". Selon l'avocat, Me Ahmine Nouredine, le délit d'attroupement retenu contre les chômeurs venus soutenir leur camarade Reg Mohamed qui devait comparaître ne s'appuie sur aucune disposition légale. "Le procès s'est tenu à huis clos, sans témoins", a-t-il dénoncé lors d'une conférence de presse animée, hier à Alger, conjointement avec Me Sidhoum et Me Badi. "Les procédures sont inexistantes et les poursuites de la Police judiciaire sont nulles et non avenues", a-t-il relevé. "Si on ne peut pas brandir une pancarte, on ne peut plus parler des droits de l'Homme", a-t-il dit en se référant au code de procédure pénale, à la Constitution qui garantit le droit de manifester et aux conventions ratifiées par l'Algérie. Selon lui, les autorités savent que "ces chômeurs n'ont rien fait" et qu'ils "sont poursuivis pour leur combat pour la citoyenneté". "Les conditions d'un procès équitable n'existaient pas. Les citoyens, les témoins, les familles des détenus ont été empêchés d'assister au procès", dénonce, pour sa part, Me Badi. "Les conditions de qualification du délit d'attroupement n'existent pas. Il n'y a eu ni sommation ni directive du wali", observe-t-il, avant d'ajouter par ailleurs : "Quand un citoyen manifeste et que l'on considère qu'il fait pression sur la justice, cela devient dangereux." "L'indépendance de la justice n'existe pas", tranche-t-il. Pour sa part, Me Amine Sidhoum soutient que "le régime instrumentalise son existence par la Loi de la force et non par la force de la loi". Existe-t-il quelque lien entre ces condamnations et les manifestations antigaz de schiste à In-Salah ? "À mon avis, il y a un lien car ces chômeurs ont organisé un sit-in de soutien le 17 janvier. Ils s'impliquent dans toutes les questions de droit (le logement, les dépassements de la police, In-Salah, etc.)", estime Me Ahmine. "Les avertissements ont été donnés depuis longtemps. C'est une pratique systématique et courante. Ils sont (autorités, ndlr) en train d'alimenter la violence. On s'interroge sur qui est derrière", se demande Me Sidhoum. En tout cas, les détenus ont entamé une grève illimitée, selon ces avocats. K. K.