Le président de l'Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A) a révélé les deux variantes qui pourraient constituer un point de départ pour la stratégie industrielle automobile en Algérie. "Nous voilà, car nous pouvons développer une stratégie industrielle basée sur deux variantes concrètement réalisables, rentables et viables économiquement pour le pays. Nous avons soumis nos recommandations aux pouvoirs publics. Je pense que c'est dans notre intérêt de promouvoir cette orientation politique industrielle basée sur l'exportation." Hier, le président de l'Association des concessionnaires automobiles algériens (AC2A), Mourad Oulmi, invité du Forum de Liberté, a révélé que la démarche de son organisation a non seulement été soutenue par le Forum des chefs d'entreprise (FCE), mais aussi par Abdeslam Bouchouareb, ministre de l'Industrie, qui lui a prêté une oreille attentive et qui a rappelé les principaux fondamentaux de cette industrie. S'appuyant sur trois exemples, M. Oulmi lâche : "C'est le moment ou jamais d'arrêter le modèle d'une industrie automobile." Il citera le SKD (Semi Knocked Down) qui n'a aucune valeur ajoutée sur l'intégration. Le CKD (Complete Knocked Down) qui a porté ses fruits au Maroc avec 647 entreprises qui gravitent autour de 500 ha de terrain situés à 30 km du port et 200 entreprises industrielles, et près de 40 000 emplois directs et indirects. La Tunisie a atteint un volume d'exportations de 735 millions d'euros avec 96 entreprises spécialisées dans la sous-traitance, avec un objectif de 7,4 milliards d'euros d'exportation en 2016. Et enfin, l'Afrique du Sud qui a atteint un volume de 150 000 unités avec Volkswagen, 20 équipementiers que M. Oulmi a lui-même rencontrés. Ce pays n'exige que le paiement d'un loyer sur 15 ans et le recrutement de la main-d'œuvre locale. Des trois modèles exposés, l'invité du Forum de Liberté a révélé que les deux dernières variantes pourraient constituer un bon départ, même s'il considère que l'usine Renault d'Oued Tlélat en SKD constitue un déclic pour l'industrie automobile en Algérie. "Nous avons un marché de 400 000 véhicules/an. Nous sommes le second marché après l'Afrique du Sud, nous avons l'énergie et des produits compétitifs pour fabriquer de la pièce de rechange et des accessoires et également un coût compétitif dans la production à côté du niveau de vie élevé. Donc, on peut !", dira M. Oulmi, qui défend bec et ongles ce projet exposé par l'AC2A. Après, il déplore le manque de main-d'œuvre qualifiée, la bureaucratie, l'engagement des banques, le climat des affaires et les mesures d'encouragement à l'exportation. Autrement dit, il démantèle tout l'environnement qui freine cette dynamique tant souhaitée pour aboutir aux prix variables de fabrication et autres paramètres de montage d'un véhicule. Citant l'exemple de plasturgie, M. Oulmi dira qu'on peut déjà répondre aux besoins de près de 114 usines européennes (10 millions de véhicules) et s'exporter vers d'autres continents (480 millions de véhicules) rien qu'avec les 5 000 pièces et accessoires qu'on pourrait développer. Du coup, il estime, pour un départ, que le modèle d'usine en Algérie permettra la création de 20 000 emplois directs. Egalement président de la commission de la sous-traitance au FCE, M. Oulmi a indiqué que "le gouvernement a envoyé des signaux forts aux industriels algériens pour faire face à la baisse du prix du pétrole, investir et exporter. Aujourd'hui, le SKD est un procédé facile. Mais, un véhicule qui revient à 10 000 euros coûtera 3 000 euros de plus lors de son montage chez nous !" Les concessionnaires sous pression L'activité du concessionnaire automobile en Algérie prend un virage décisif et les concessionnaires devront, chacun à sa vitesse de croisière, négocier la tenue de route qu'il lui sied pour subsister. M. Oulmi a longuement disserté sur le cahier des charges revendiqué, très attendu par les concessionnaires, et qui définit les conditions et les modalités d'exercice de l'activité de concessionnaire de véhicules neufs. L'invité du Forum de Liberté n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour dénoncer des pratiques qui, jusqu'ici, ont attenté à la dignité du client et à sa sécurité. "Je ne vois pas pourquoi le client européen ou américain a droit à un minimum d'équipements de sécurité et pas le client algérien. Je ne vois pas aussi pourquoi on crie au scandale dès qu'il s'agit de défendre du client algérien, de sa sécurité et de ses revendications légitimes. Désormais, le marché de l'automobile doit changer et être régulé, à défaut, il sera sujet à une terrible anarchie." À la question de savoir si ce décret mettra fin au véhicule low cost, M. Oulmi révélera que cet aspect a toujours constitué la principale revendication de son association. Le nouvel élu de l'AC2A semble plus que jamais déterminé à chasser les clichés selon lesquels le concessionnaire est là pour vendre des véhicules. À ses yeux, la mentalité de l'épicier sera graduellement évacuée, voire éradiquée, au bénéfice d'un client de plus en plus exigeant, révélant que 70% du parc auto dépassent 20 ans d'âge. À la question de savoir si 12 mois suffiraient pour se conformer aux nouveaux textes, M. Oulmi dira d'emblée : "Nous sommes sous pression." En attendant les textes d'application, il indiquera, en revanche, que 70% des capitaux sont détenus par des sociétés de droits étrangers et basées en Algérie. Ce scandale s'ajoute aux délais accordés pour doter les véhicules des équipements introduits dans le cahier des charges. À ce jour, près de 10% du parc auto sont dénués de la sécurité minimale, ajoutée aux véhicules en cours d'expédition. Dépassé ce quota, l'AC2A fera encore le point avec les autorités compétentes pour freiner l'importation des cercueils à roulettes qui causent chaque année 4 500 morts et plus de 65 000 blessés, dont 10% de handicapés à vie. Les aberrations de l'occasion, des multimarques et des ports D'aberration en aberration, M. Oulmi, connu pour son franc-parler, a indiqué qu'il était temps de réguler le marché d'occasion. Un marché de 750 000 véhicules/an (le double des importations) et qui est monopolisé par une poignée de spéculateurs. L'invité du Forum de Liberté dira que des centaines de millions d'euros circulent dans l'informel, causant un grave préjudice au client, à la garantie de la voiture vendue, au Trésor public et à la fiscalité. La loi de finances ayant balisé les critères de vente, M. Oulmi plaide carrément pour un "Argus algérien" pour stopper la saignée des capitaux dans l'informel. En ce sens, il propose la reprise des véhicules d'occasion pour une meilleure traçabilité et une vente sous garantie minimale de 6 mois. Pour ce faire, M. Oulmi a proposé un code d'activité au ministère des Finances où il a été reçu pour la circonstance. À ses yeux, ce marché permettra la création de 10 à 15 000 emplois, sans compter la valeur ajoutée pour le Trésor public et la sécurité du client. Autre point abordé, les concessionnaires multimarques qui pullulent sur le marché sans se soucier de la qualité du service après-vente et de la pièce de rechange. Il révélera que l'Algérie compte, actuellement, 180 concessionnaires multimarques, 70% sont des opérateurs étrangers, dont 50% exercent pour des sociétés-écrans qui leur facilitent le procédé de surfacturation et la fuite des capitaux. À la charge des clients victimes de faire valoir leurs droits, une autorité de régulation s'impose aujourd'hui pour un meilleur arbitrage de la chose, et de mettre fin aux agréments de complaisance qui pourrissent cette noble activité autour de laquelle gravitent 32 métiers. Autre aberration soulevée par M. Oulmi, le débarquement des véhicules aux ports de Djendjen (Jijel) et de Mostaganem. "Il nous arrive de payer 20 000 dollars pour chaque jour de retard dans le cas où le navire serait en rade à cause des quais saturés. Nous avons proposé au ministre des Transports, Amar Ghoul, de mettre fin à cette situation abracadabrante. Lors de notre entrevue, M. Ghoul est tombé des nues et a promis de lever dans les plus brefs délais cette contrainte", a encore affirmé M. Oulmi. Ainsi, il sera question d'orienter les bateaux vers les ports de Skikda, de Béjaïa, d'Annaba et de Ghazaouet, pour désengorger ces deux ports saturés. Par ailleurs, l'invité du Forum de Liberté est revenu sur la mesure imposée aux concessionnaires de doter 10% du parc des véhicules du GP. "Nous sommes pour cette mesure. Mais encore faudra-t-il d'abord équiper toutes les stations-service du GPL et offrir des avantages fiscaux au client et au concessionnaire. Car, un kit qui coûte 70 000 DA aura des retombées sur le client souvent volatile et qui va basculer sur la motorisation essence moins coûteuse. Pis encore, il faut que le ministère de l'Intérieur lève l'interdiction des véhicules équipés de GPL dans les aéroports et les hôtels !", s'exclamera M. Oulmi. Celui-ci conclura son intervention par les mesures prises par la Safex et l'AC2A à 20 jours du Salon international de l'automobile d'Alger (SIAA-2015), qui aura lieu du 18 au 28 mars prochain. "Nous avons abordé tous les aspects, y compris les nuisances sonores, les commodités, les chapiteaux vulgaires en plein air et qui amochent cette manifestation internationale", dira-t-il. F. B.