Dès lors que le système de santé algérien est défaillant dans la prise en charge des maladies connues et répandues, faut-il espérer qu'il sera plus performant dans le domaine des pathologies rares ? Evidemment non. Chaque année, la Journée mondiale des maladies orphelines est célébrée, dans le pays, sous le signe de l'alerte. Le 28 février 2015 n'a pas dérogé à la règle. Des spécialistes, notamment des professeurs en pédiatrie et des animateurs d'associations (Williams et Beuren présidée par Mme Meddad et maladies rares neuromusculaires drivée par Abdelkader Bouras), se sont réunis pour faire le point sur la situation. Cette fois, des parents, accompagnés de leurs enfants atteints de ces syndromes orphelins ayant entraîné un handicap souvent irréversible, ont participé à la manifestation. Selon le professeur Mohamed Hamlaoui, chef d'unité pédiatrique au CHU Nefissa-Hamoud (ex-Parnet), environ 2 millions d'enfants souffrent, en Algérie, de maladies orphelines ou rares. Uniquement 300 pathologies sur un ensemble de 8 000 sont recensées dans le pays. Ce qui signifie que les traitements sont disponibles pour la short-list. Encore, souvent, l'état de santé des patients pâtit en raison des délais trop longs mis dans l'approvisionnement des hôpitaux en médicaments et par là même leur distribution aux malades. "Quand le gestionnaire d'un centre hospitalier ne commande pas à temps le traitement, il n'arrive pas dans les délais aux malades. Ce n'est pas de la mauvaise volonté, mais il y a souvent une méconnaissance des procédures règlementaires", a expliqué Mme Magmoum, sous-directrice au ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Elle a indiqué qu'une commission a été installée par la tutelle pour réfléchir à la problématique et de mettre en place un Plan national de maladies rares. "Pour ce projet, les autorités publiques sont instigatrices, mais elles ont besoin de l'implication des sociétés savantes", a-t-elle souligné. Pour le Pr Azzedine Mekki, du service de pédiatrie du CHU Parnet, ce plan est une urgence, car la prise en charge d'une maladie rare ou orpheline est pluridisciplinaire. "Il n'y a pas de traitements pour toutes les pathologies. Il ne faut pas mentir. Mais nous pouvons accompagner les patients", a-t-il affirmé. Sa collègue, le Pr Arrada, a regretté que la feuille de route, tracée depuis plusieurs années pour le dépistage néonatal, soit mise sous le coude à cause de déficit en budget et équipements. "Parce que le diagnostic est retardé, le pronostic est hypothéqué", a-t-elle relevé. La praticienne a axé son intervention sur le manque de laboratoires de biochimie et génétiques essentiellement, et la faiblesse de la formation des médecins sur les maladies rares. Un défaut de spécialisation qui compromet la reconnaissance des symptômes et entraîne les parents dans l'errance médicale. Au-delà des aspects thérapeutiques, les enfants souffrent de maladies rares et leurs parents sont confrontés à de grands obstacles d'ordre social. "Des enfants souffrant de différents handicaps peuvent s'inscrire dans des écoles spécialisées. Mais ce n'est pas le cas pour les nôtres. Ils sont autistes, trisomiques ou atteints de maladies rares. Plusieurs milliers d'enfants victimes de handicaps physique ou mental souffrent aujourd'hui de marginalisation. Ils grandissent sans aucune prise en charge sociale, scolaire, parfois même médicale, faute de structures spécialisées et de personnel qualifié", a dénoncé Mme Meddad, présidente de l'Association syndrome Williams et Beuren. "Il est très difficile de vivre en Algérie, à titre d'exemple, avec un enfant ayant une pathologie appelée atteinte de xeroderma pigmentosum", a-t-elle poursuivi, citant ce qu'on appelle communément les enfants de la lune. Le Pr Hamlaoui a rappelé que 20% des maladies sont causées par des facteurs environnementaux (médicaments, pollution, produits toxiques et stress). 80% des cas sont d'origine génétique (gènes défaillants). Les mariages consanguins, encore assez répandus dans le pays, augmentent les risques. S. H.