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"Ce ne sont pas tous les travailleurs qui vont en bénéficier" Noureddine Bouderba, spécialiste en relations de travail, à propos de la redéfinition du 87 bis, à "Liberté"
: Qu'est-ce qui va changer avec ce décret du 8 février 2015 fixant les éléments constitutifs du SNMG ? Noureddine Bouderba : Notons d'abord que la définition du SNMG fixée par ce décret diffère sensiblement de celle contenue dans l'avant-projet du code du travail. Cela dit, le nouveau décret a exclu de cette définition une partie des éléments constitutifs variables du salaire, tout en en maintenant d'autres. Les éléments variables exclus sont les indemnités et primes liées à l'ancienneté et l'expérience professionnelle, au rendement et au résultat, à l'organisation du travail concernant le travail posté, le service permanent et les heures supplémentaires et, enfin, aux conditions d'isolement. Ce qui veut dire qu'a contrario, le SNMG sera constitué, en sus du salaire de base, notamment des primes et indemnités de transport et de restauration et celles liées aux conditions particulières de travail, tels la pénibilité, la salissure, le danger, l'insalubrité, le travail de nuit, etc. Si cette redéfinition constitue une avancée certaine par rapport à la situation actuelle, il n'en demeure pas moins qu'elle reste injuste particulièrement pour les travailleurs exerçant dans des conditions pénibles et dont le salaire gravite autour du SNMG. Où se situe l'injustice puisque logiquement avec cette redéfinition, comme vous le dites, les salaires vont être revus à la hausse ? La loi en vigueur stipule que tout employeur est tenu d'assurer, pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les travailleurs sans aucune discrimination (art. 84) et a fixé un salaire national minimum garanti (SNMG) applicable dans les secteurs d'activité (art. 87). Une bonne lecture de ces dispositions nous permet de conclure que : Primo : même si l'employeur a prévu une rémunération proportionnelle au résultat, il doit obligatoirement servir chaque mois un minimum salarial qui est le SNMG (ou le salaire minimum d'activité conventionnel). Secundo : aucune différence de rémunération ne doit être constatée entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale en vertu du principe (à travail égal, salaire égal). Si l'on prend un travailleur, gravitant autour du SNMG, qui effectue un même travail ou un travail de valeur égale avec un autre travailleur, mais dans des conditions de pénibilité et de danger particulières, les primes de pénibilité et de danger doivent venir en sus du salaire perçu par le second travailleur exerçant, lui, dans des conditions normales. Autrement dit, les primes et indemnités liées au résultat, à l'ancienneté ou à des conditions du travail de quelque nature qu'elles soient doivent venir en sus de ce minimum légal. C'est la raison pour laquelle j'affirme que ce décret ne respecte pas le principe (à travail égal, salaire égal) consacré par la loi 90-11 en vigueur. Concrètement, que vont gagner les travailleurs avec ce décret ? Prenons le salaire de base augmenté des primes et indemnités de toute nature (à l'exception de celles liées à l'ancienneté, au rendement et au résultat, au travail posté, au service permanent, aux heures supplémentaires et aux conditions d'isolement) et appelons-le "salaire de référence". Concrètement, tout salaire de référence inférieur à 18 000 DA par mois doit être augmenté à au moins cette valeur. Et cette augmentation doit, théoriquement, par effet d'entraînement, aboutir à une révision à la hausse de la grille des salaires, afin d'éviter le phénomène de tassement au bas de la grille. Je dis théoriquement car, dans la pratique, ce ne sont pas tous les travailleurs qui bénéficieront d'une augmentation, et même au cas où elle aurait lieu, son niveau sera tributaire du pouvoir de négociation des travailleurs qui est pratiquement nul dans certains secteurs, par exemple le privé. Donc l'augmentation ne sera pas générale et différente d'un cas à un autre lorsqu'elle a lieu ? Exactement. Nous avons trois secteurs : la Fonction publique, le secteur économique public et le secteur privé. Pour la Fonction publique, une application du décret à la lettre bénéficiera, à coup sûr, aux travailleurs des corps communs (cat. 01 à 08) dont le salaire de base se situe entre 9 000 et 18 000 DA. Il reste à déterminer les taux d'augmentation qui seront consentis pour les catégories supérieures qui ne seront pas augmentées dans les mêmes proportions pour deux raisons : 1- l'impact ne pourra en aucun cas être supporté par le Trésor ; 2- une telle éventualité va creuser davantage l'écart — qui frise déjà l'indécence — entre les salaires moyens des travailleurs et ceux des cadres supérieurs. Pour le secteur économique public, ce décret n'aura une incidence que sur la grille des salaires des entreprises dont le plus bas salaire conventionnel est inférieur à 18 000 DA. Le taux d'augmentation dans ce cas pourra être uniforme, mais certains employeurs pourraient être tentés d'appliquer des taux dégressifs. Tout dépendra du pouvoir de négociation des syndicats. Dans tous les cas de figure, l'impact se situera entre 0 et 20%. Contrairement à ce qui avait été avancé par les experts et par l'UGTA. Ainsi, par exemple, les travailleurs de la SNVI ou du groupe Sonelgaz, entre autres, ne seront pas concernés par ce décret. Enfin, c'est dans le secteur privé où 90% des travailleurs ne sont pas couverts par la négociation collective ni représentés par des syndicats que les salariés éprouveront le plus de peine à faire appliquer ce décret, surtout lorsqu'on sait que le droit d'extension des conventions collectives n'est pas institué dans notre pays. D'ailleurs, dans pas mal d'entreprises privées, le SNMG n'est pas respecté, même avec le 87 bis. À moins que les pouvoirs publics ne mettent en place des instruments coercitifs et de contrôle tout en renforçant le rôle des inspecteurs du travail et le libre exercice du droit syndical. À moins que, aussi, l'UGTA, qui a déroulé le tapis rouge aux patrons durant son dernier congrès, n'exige de ses alliés, les patrons, le respect des engagements pris lors de l'élaboration du pacte économique et social en... 2006. Bio-Express Ingénieur diplômé de l'INH de Boumerdès en 1985, il a été ingénieur, puis ingénieur en chef dans l'Entreprise nationale des grands travaux pétroliers (ENGTP) avant d'occuper le poste d'assistant directeur depuis 2005. En 1988 il est élu membre du syndicat de son entreprise et en 1991 il est porté à la tête du comité de participation et désigné comme administrateur de droit. En 1992 il est élu membre du bureau de la Fédération nationale des travailleurs du pétrole, du gaz et de la chimie (FNTPGC) chargé des affaires sociales et de la législation. De 1999 à 2001, il suit une formation de postgraduation en management des entreprises à l'ISGP de Bordj El-Kiffan et depuis cette date il se spécialise en relations de travail. M. T.